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Hedi Picquart, ex-ambassadeur de France

« Ambassadeur, c’est le métier de toute une vie »

par Bastien FANTON D’ANDON 
Publié le 3 juin 2022 à 13:34

Colère au Quai d’Orsay où, ce 2 juin, les syndicats ont protesté contre un décret signant la suppression du corps diplomatique. L’élection présidentielle passée et une réélection plus tard, la décision ne passe pas dans la profession et les syndicats se mettent en grève. Fait rare au ministère des Affaires étrangères pour qui c’est le second mouvement social connu. Hedi Picquart, ancien ambassadeur de France, nous fait part de ses impressions.

Lorsque l’on lui demande si, encore en activité il aurait fait grève, Hedi Picquart répond d’un oui affirmatif mais nuance ses propos et en explique les raisons. « Tous ces gens-là qui ont commencé même comme vice-consul, ils ont appris à vivre dans des postes en tension. » Il est bien placé pour en parler tant il en a vu au cours de sa carrière. En 1990, nommé représentant français en Arabie saoudite lorsque le Koweït est envahi par l’armée de Saddam Hussein, il se retrouve au milieu d’un conflit mondial d’envergure. Il a aussi vécu la révolution égyptienne (« Printemps arabe ») de 2011. Mais c’est sans doute 2013 qui l’aura le plus marqué. Il a échappé de justesse à l’attentat contre l’ambassade de France en Libye, où il était alors en poste. « Je me demande encore comment mon épouse et moi nous en sommes sortis avec des égratignures. » Les auteurs de l’attentat avaient placé une bombe à proximité de l’ambassade, tôt le matin. Par-delà les commentaires que l’on entend aujourd’hui sur la réforme Macron et le décret qui signe la disparition du corps diplomatique, il apporte quelques nuances. « On peut être préfet, et devenir ambassadeur », dit-il. Après avoir terminé sa mission à Trinité-et-Tobago, son dernier poste en tant qu’ambassadeur de France, Hedi Picquart a terminé sa carrière en étant conseiller diplomatique du préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté. « Cela s’est fait, cela s’est toujours fait mais pas d’une manière massive où l’on oblige à cette mobilité » affirme-t-il. Pour lui, en tout cas, un diplomate ne doit pas terminer comme « simple administrateur ». « Tous les présidents ont déjà nommé des proches dans de hautes fonctions, dit-il. Il ne s’agit pas de ça. Être ambassadeur nécessite un certain nombre de qualités. C’est un métier de chaque instant. » Hedi se remémore les nombreuses heures tête baissée dans ses livres, les différents concours, surtout de langues. Il faut avoir l’envie d’apprendre et la curiosité de toujours apprendre. L’incident diplomatique est vite arrivé. Devenir ambassadeur est une vocation. « Des jeunes espèrent le devenir. » Pour lui, « le décret paru il y a quelques semaines n’est pas très clair, Macron discute encore ». Il aime à répéter que « le métier d’ambassadeur, c’est le métier d’une vie ». Et il justifie : « Si on était en période tendue, j’aurais fait grève mais en restant à mon poste de travail. » Être au devoir de la population que l’on représente. Toujours.