© Jacques Kmieciak
Ancien journaliste à Liberté

André Démarez s’en est allé

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 20 août 2021 à 10:53

C’était un ami, un camarade. André Démarez nous a quittés, début août, à l’âge de 87 ans. Ex-dirigeant fédéral du PCF et ancien journaliste à Liberté et l’Humanité, il était l’une des « mémoires » du mouvement ouvrier régional.

Né d’un père libre-penseur à la veille du Front populaire, André Démarez était l’un des plus fins connaisseurs de l’histoire ouvrière régionale de ces soixante dernières années. Et pour cause, il en a été un acteur central de 1968 à 1977 en sa qualité de chargé de la propagande au sein du secrétariat fédéral du PCF du Pas-de-Calais. À l’époque, on lui doit notamment l’organisation à Villers-au-Bois, près d’Arras, du congrès clandestin du Parti communiste espagnol animé alors par Dolorès Ibarruri et Santiago Carillo ou encore d’une importante réunion du PC portugais en amont de la « Révolution des Œillets » de 1974, qui mettra fin à la dictature militaire de Salazar.

Journaliste à Liberté

André Démarez adhère au PCF en 1952. Syndiqué à la CGT, ce peintre décorateur de formation travaille alors comme lettreur à la Coopérative centrale des mines du Pas-de-Calais (CCPM). Pur produit de l’école laïque, doué pour l’écriture, il fait, dès 1960, ses premières armes au journal Liberté sous la férule de Jacques Estager qui fut l’un de ses modèles. Il y fera l’essentiel de sa carrière de journaliste jusqu’en 1989, date à laquelle il fait valoir ses droits à la retraite. Passionné d’histoire, il devient alors, aux côtés de Marcel Barrois, Louis Bembenek, Émile Wazny, Georges Dereux, ou encore Georges Sentis, l’une des chevilles ouvrières de l’association Mai-Juin 1941 chargée d’éclairer d’un jour nouveau la grande grève patriotique des mineurs, puis de Mémoires et cultures de la Région minière. Il met alors sa plume, parfois moqueuse, mais jamais acerbe, au service de La Tribune de la Région minière, l’organe de la Fédération régionale du sous- sol de la CGT. Lecteur assidu de l’Humanité et de Liberté Hebdo, André Démarez avait le sens de l’accueil. À son domicile d’Éleu-dit-Leauwette, avec sa bonhommie légendaire, avec Josiane, son épouse, il se faisait toujours un plaisir de recevoir, autour d’un verre de Gewurztraminer, historiens, sociologues, cinéastes, étudiants et autres journalistes.

Un témoin de son siècle

Il y a quelques mois, il avait encore les honneurs de la télévision russe venue l’interroger à propos de la Résistance soviétique dans le Nord. Les ouvrages et revues, qui encombraient la table de sa salle à manger, témoignaient de sa soif inextinguible de connaissances. Jamais avare d’anecdotes, il était intarissable sur la reconversion d’un Bassin minier dont il n’a eu de cesse de combattre la désindustrialisation au profit du «  tout tourisme », une chimère impulsée, dès les années 1980, par la social-démocratie du cru. Aux barons locaux du PS, à leurs intrigues, il avait d’ailleurs consacré un ouvrage très bien documenté et sans concessions.

L’internationalisme au cœur

Attaché aux valeurs de l’internationalisme propre au mouvement communiste né de la Révolution d’Octobre, André Démarez s’affichait clairement, avec les Amis d’Edward Gierek, contre la politique mémorielle de décommunisation en Pologne. Un pays auquel il restait particulièrement attaché pour y avoir exercé de 1977 à 1979 comme correspondant du quotidien l’Humanité. Père de deux garçons, «  André Démarez était un homme droit et juste qui s’est battu toute sa vie pour un idéal de paix et de liberté  », rappelle volontiers son ami Louis Bembenek. La classe ouvrière a perdu l’un de ses artisans, et le prolétariat du Pas-de-Calais l’une de ses mémoires.