MUNICIPALES 2020

Arras, la belle endormie

par Franck Jakubek
Publié le 20 décembre 2019 à 14:22

Arras, ses places, son beffroi, son marché de Noël, son Main Square festival, son tourisme de mémoire… En 1995, le 18 juin, au soir d’un second tour des municipales, le centriste Jean-Marie Vanlerenberghe prend la mairie à un Léon Fatous mortifié. 37 voix séparent les deux candidats. C’est un séisme à gauche.

Au niveau national, la droite est en tête avec 61,7 % des suffrages. Marseille tombe dans les mains de Jean-Claude Gaudin. Au Havre, le RPR prend la ville aux communistes. Dans la région, Abbeville, Caudry, Maubeuge, Soissons, Saint- Quentin passent à droite. Pour la première fois, le Front National s’implante à Toulon, Orange et Marignane en région PACA (Provence-Alpes-Côte-d’Azur). Guy Mollet avait dirigé la ville de 1945 à 1975 avant de transmettre le flambeau à son adjoint Léon Fatous. Depuis 20 ans, il a le sentiment d’avoir la ville à sa main. Rien ne se décide sans lui dans la cité des Atrébates. Il a toute confiance en son premier adjoint, Michel Wastroux, qu’il prépare à prendre la relève.

Vanlerenberghe, soutenu par Jean-Paul Delevoye, sénateur-maire de Bapaume - qui est (déjà) dans l’ombre de Juppé pour partir à l’assaut de nos retraites quelques mois plus tard -, profite alors des présidentielles qui viennent de porter Jacques Chirac au pouvoir. Mais pas seulement. Une grande partie de la classe moyenne de la cité administrative veut reprendre en mains la gestion des affaires.

Ça gronde chez les notables, médecins, notaires ou commerçants, et les industriels, largement soutenus par la chambre de commerce et d’industrie. Elle est présidée alors par Charles Gheerbrandt, député-maire bien ancré à droite de Saint- Nicolas-lez-Arras et propriétaire d’une minoterie dont les camions livrent la farine dans toute la région. L’arrivée du TGV, grâce au socialiste Pierre Mauroy, met la ville à 45 minutes de Paris. Un centre d’affaires s’installe près de la gare. Les zones d’activité fleurissent sur les meilleures terres agricoles de France. Peu importe, il faut que l’argent rentre, n’est-ce pas ?

Depuis 2011, c’est Frédéric Leturque (UDI) qui a succédé à Jean-Marie Vanlerneberghe. En 2014, la gauche en ordre dispersée n’a pas réussi à déboulonner le nouveau seigneur de la ville, qui mène la ville comme une véritable « démocratie monarchiste » gronde René Chevalier, secrétaire de la section du PCF de l’arrageois.

Pire, le PS a confié la tête de liste à l’ex-députée européenne EELV, Hélène Flautre. Une décision si peu comprise que la liste peine à dépasser les 16 % (16,23 %), le pire score des socialistes aux municipales... Le PCF avec le Front de Gauche réalise 4,12 %. Le maire sortant est réélu dès le 1 er tour avec 56,51 % des voix. Au conseil municipal, l’opposition n’a plus que trois sièges.

La désastreuse attitude de François Hollande n’a pas permis le rapprochement. Et fait le beau jeu de la droite dans de nombreuses villes. Comme à Roubaix, Tourcoing ou Calais dans la région, mais aussi au Havre (76) où pourtant, avec le soutien de toutes les forces de gauche, Jean-Paul Lecocq, désormais député PCF, aurait pu damer le pion à Édouard Philippe… En mars 2020, le rassemblement de la gauche doit mettre un coup d’arrêt à la droite décomplexée et cynique qui ne se sent plus de limites pour répondre aux objectifs fixés par le Medef.