Depuis une dizaine d’années, Louisa Gherdane préside aux destinées d’Aclia (Accès à la citoyenneté, lutte pour l’insertion et l’autonomie), une association fondée en 1992 à Dechy par Abdelaziz Guertit. « Au début, son objectif était de sortir les femmes de mineurs marocains de leur isolement à travers des cours d’alphabétisation notamment. J’ai souhaité sortir d’une logique communautariste. Au nom du “vivre-ensemble”, nous nous sommes ouverts à tous », souligne-t-elle. À l’époque, l’« économie sociale et solidaire » a le vent en poupe. Aclia fonde à Douai, avec le soutien de la municipalité et du conseil départemental, une épicerie solidaire où il est loisible de s’approvisionner en produits alimentaires ou non (hygiène, vêtements, etc.). Des biens accessibles à des prix défiants toute concurrence.
La faim au menu
En 2019, plus de 537 familles (soit 1 758 personnes) du Douaisis ont frappé à sa porte, « alors qu’ils n’étaient qu’une centaine il y a dix ans ». « La conjoncture économique et la crise sanitaire ont accentué les difficultés. La perte des “petits boulots” a impacté des ménages. Un nombre croissant d’étudiants ou de pensionnés pauvres nous sollicitent ; ce qui n’était pas le cas avant », constate Patricia Pont, la secrétaire. Depuis janvier, Aclia a déjà enregistré 400 (ré)adhésions ! « À ce rythme, on n’arrivera plus à répondre à la demande », s’inquiète Louisa. « Ce qui me choque, c’est de voir arriver des gens qui ont faim », s’indigne Odile Hage, membre du conseil d’administration. « Le CCAS nous envoie parfois des gens qui n’ont pas mangé depuis plusieurs jours. Toutes les semaines, nous recevons une tonne de fruits et légumes qui partent en 72 heures. D’autres nous disent avoir cessé de se chauffer cet hiver », confirme Louisa. Des situations de grande pauvreté dans un pays qui compte pourtant parmi les plus riches au monde ! Un paradoxe qui ne génère pourtant pas un désir de révolte chez les bénéficiaires tant ils semblent minés par le fatalisme. « La plupart sont sans solutions. Ils sont dans la survie », explique Odile.
Accompagnement social
Pour Louisa, cette épicerie « est surtout un outil permettant de jauger si nos bénéficiaires ont besoin d’un accompagnement social assuré par deux adultes-relais ». Des ateliers d’esthétique, de cuisine « parents-enfants » ou encore de sophrologie complètent le dispositif. « Ici, c’est plus qu’une boutique, c’est une famille », commente Chabane Belgacem, l’un de ces bénéficiaires, avocat de profession, actuellement sans ressources. À Douai depuis trois ans, il a fui l’Algérie et sa répression. Chabane n’hésite pas à donner de son temps à l’association. Un premier pas vers l’« inclusion sociale » promue par Aclia.
Aclia, 182, rue Saint-Christophe à Douai. Rens. au 03 27 88 31 86.