Ces mutuelles qui abusent

par Philippe Allienne
Publié le 18 février 2022 à 12:09

Dans un communiqué daté du 13 octobre 2021, la Mutualité française dénonce de « fausses informations (...) véhiculées dans le débat public ». Elle réagit ainsi à la demande exprimée alors par le gouvernement aux complémentaires de santé de geler leurs cotisations pour 2022. Les mutuelles étaient montrées du doigt en raison des augmentations de tarifs annoncées. Pour la Mutualité française, qui fédère 518 mutuelles dans toute leur diversité, « il convient de rappeler que les mutuelles n’ont pas fait d’économies dans le cadre de la crise Covid : les moindres dépenses pour l’année 2020 sont chiffrées à 2,2 milliards d’euros par la Drees, auxquelles il faut retrancher 1,5 milliard d’euros de taxe Covid et 400 millions d’euros liés à la réforme des complémentaires santé solidaire ». L’organisme a également alerté les pouvoirs publics sur les comptes déficitaires des complémentaires santé de près de 900 millions d’euros sur le seul premier semestre 2021, en raison « d’une hausse inédite des dépenses de santé ». La Mutualité française prend pour exemple l’augmentation des soins dentaires de 958 millions d’euros et des soins auditifs de 278 millions d’euros au premier semestre 2021, par rapport à la même période de 2019. « Au total, se défend-elle, sur 2020 et 2021, les seules mutuelles enregistrent un supplément de dépense de l’ordre de 280 M€. » Ainsi, estime-t-elle, l’augmentation des cotisations était prévue pour faire face à l’augmentation des dépenses de santé des Français avec pour objectif « de maintenir au plus bas le reste à charge ». Il faut savoir que les mutuelles interviennent comme premier financeur des dépenses de santé après la Sécurité sociale. Le président de la Mutualité, Éric Chenut, précise encore que « sur 100 euros de cotisation, 15 sont reversés à l’État sous forme de taxes. La pression fiscale sur les mutuelles est très importante, celles-ci ayant augmenté plus rapidement que les dépenses de santé et que l’inflation ». Nous ne demandons qu’à le croire. Pourtant, en même temps que la Mutualité française publiait son communiqué, le journaliste Daniel Rosenweg sortait Le livre (très) noir des mutuelles (éditions Albin Michel, octobre 2021). Dans ce livre-enquête, il révèle que la pandémie a fait économiser 2,8 milliards d’euros aux mutuelles de santé en 2020. Cela ne les a pas empêchées d’augmenter leurs cotisations l’année suivante. En dix ans, écrit-il, les tarifs des mutuelles ont augmenté de 45 % sans avantages supplémentaires pour les patients. Il dénonce des tarifs illisibles, des contrats verrouillés, une obstruction au tiers payant, des comptes non publiés, etc. Il n’est de toute pas façon pas un secret que les tarifs des complémentaires de santé ne sont pas accessibles à tout le monde, surtout quand on est sans emploi, en travail précaire, en retraite, etc. C’est dans cette logique que des mutuelles communales se développent depuis quelques années. Elles s’adressent en premier lieu à celles et ceux qui n’ont pas de complémentaire santé du tout. Mais quid de la garantie à terme d’une stabilité des tarifs ? Des débordements ont été constatés lors des premières années d’expérimentation. Mais aujourd’hui, constate Benoît Calmel, délégué général de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (Unccas), « on entre dans une phase de maturité des mutuelles communales ».