Cette majorité si intelligente, et si sourde

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 20 décembre 2018 à 21:42 Mise à jour le 21 décembre 2018

Il y a ceux qui n’osaient pas parler, ceux qu’on n’entendait plus et, là-haut, il y a ceux qui n’écoutent personne.

Gilles Le Gendre, président du groupe LREM à l’Assemblée nationale. (Photo Assemblée nationale)

Certains ne manquent pas d’air. En tête de gondole, Gilles Le Gendre, chef de file des députés macronistes. Il justifie la fronde secouant la France par expliquant : « Notre erreur est d’avoir été trop intelligents  ». Vous apprécierez la pertinence et la délicatesse de cet envoi. Il est suivi par le président de la République et son Premier ministre, qui se succèdent à la télévision en affirmant benoîtement : « On n’a pas assez écouté les Français.  »
Pourtant, les occasions n’ont pas manqué. Quand les infirmières, les cheminots, les retraités ou les locataires, pour ne citer qu’eux, ont tenté de faire entendre leurs revendications contre la misère des hôpitaux, la privatisation de la SNCF coûteuse aux salariés et aux usagers, la hausse de la CSG, l’iniquité de la suppression ou de la diminution des APL, l’un et l’autre ont systématiquement fait la sourde oreille ou opposé un mutisme hautain.
Sous la pression des ronds-points et de la rue, le pouvoir a reculé. Ou plutôt, il a feint, en partie, de reculer : quand Édouard Philippe reprend l’annonce présidentielle de l’attribution aux smicards d’une prime de 100 euros, il ajoute aussitôt qu’elle « ne coûtera pas un euro aux employeurs  ».

Ce que le Premier ministre ne dit pas

Par quel miracle ? C’est simple. Les 100 euros seront déduits des cotisations sociales patronales. Ce que le Premier ministre ne précise pas, c’est que l’assèchement de cette source de financement qui abonde les caisses versant les prestations sociales et familiales va inexorablement entraîner la réduction de celles-ci. Le recours à des complémentarités sera nécessaire pour maintenir le niveau des services, à l’image des mutuelles de santé.
Au bout du compte, en croyant gagner plus, nous aurons moins. Cette hypocrisie touche à son comble avec l’annonce faite dans le quotidien économique Les Échos (11 décembre), quand le Premier ministre prévient que les smicards ayant un conjoint « gagnant bien » (sic) seront privés des 100 euros prévus.
Ces annonces sur les modes de financement et de versement du SMIC révèlent, si besoin était, qu’Emmanuel Macron et les siens ont une seule priorité : bloquer, voire abaisser le prix du travail payé aux salariés afin de garantir les bénéfices des entreprises et les dividendes des actionnaires.

Des Gilets jaunes, à Lens le 10 décembre. (Photo Marc Dubois)

C’est pour ces mêmes raisons que lors du conseil des ministres du 5 décembre Emmanuel Macron a déclaré : « Nous ne détricoterons rien de ce qui a été fait depuis dix-huit mois ». Pas de rétablissement de l’ISF coûtant 4,1 milliards à la nation. Maintien d’une flat tax sur les revenus du capital ? Coût : 1,3 milliard par an. Maintien de la baisse de l’impôt sur les sociétés ? Coût : 11 milliards par an. Idem pour celle qui touche les cotisations salariales. Coût : 4,5 milliards par an, pas question. Pas de rétablissement de la taxe sur les plus-values réalisées en France , l’exit tax...

Gilets jaunes et gilets rouges

Toutes ces joyeusetés macroniennes en faveur du capital et l’exploitation consciencieuse des salariés ont eu leurs effets. En France, on a distribué 44 milliards d’euros de dividendes au cours du seul deuxième trimestre de 2018. Un montant en progression de 23,6 % sur un an. C’est du jamais vu dans notre pays, lequel monte sur le podium mondial de ceux qui prennent aux moins bien lotis pour donner aux riches. Vivement que les 70 % de nos compatriotes qui ne se lassent pas de soutenir les Gilets jaunes et ceux, rouges, des syndicats aillent les rejoindre sur les ronds-points… Histoire de se faire entendre.

par ANDRE CICCODICOLA