Enseignement supérieur et de la recherche

Contre la sélection à l’université

> Par Jean-Marc NICOLAS

Publié le 21 janvier 2022 à 17:12

Le secrétaire général de la CGT Ferc Sup (Fédération de l’éducation de la recherche et de la culture) adresse cette lettre ouverte à la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal.

« Les programmes ou modalités que vous avez mis en place pour moderniser les procédures d’inscription des jeunes dans l’ESR, ont montré une chose qui apparait aujourd’hui clairement aux yeux de tous : de ParcourSup à la nouvelle plateforme TrouverMonMaster (TMM), tout concourt en réalité à déployer insidieusement la sélection à l’université, que ce soit pour y entrer ou pour continuer ses études. Pour nous, il s’agit bien de détricoter ce qui fut gagné de haute lutte : la démocratisation de l’enseignement supérieur afin de permettre à tous et toutes, en particulier aux enfants issus des milieux les plus modestes, d’accéder aux diplômes et aux qualifications du supérieur. Jusqu’ici, la nation s’est très largement appuyée sur la fonction publique pour assurer ces missions et les droits concomitants pour les personnels et pour ses usagers. Parmi eux, les statuts de fonctionnaire à fortes garanties académiques et le droit, pour les jeunes, de s’inscrire dans la filière de leur choix et d’y progresser, sans ségrégation... La CGT Ferc Sup a, tout au long de son existence, défendu cette logique et œuvré pour en faire respecter les principes. Les coups ont été parfois très durs et la question budgétaire fut toujours au centre des affrontements. À l’instar de ce qu’ils pratiquent pour l’ensemble de la société, les gouvernements successifs se sont toujours efforcés de réduire l’investissement social que constituent les services publics, jugé comme un « coût » toujours trop élevé, et ils n’ont pas épargné le système éducatif, de la maternelle à l’université. Après avoir tenté, sans résultat pour l’heure, de supprimer le caractère de « 1er diplôme universitaire » du baccalauréat et ainsi de pratiquer la sélection sur des critères de plus en plus arbitraires pour l’entrée à l’université, vous et vos prédécesseurs avez imposé aux établissements universitaires une autonomie en trompe-l’œil via les Responsabilités et Compétences élargies, les laissant dans une situation financière exsangue comme l’a constaté la Cour des comptes. Aujourd’hui, votre ministère rejette sur chaque établissement la gestion des problèmes qui devraient vous revenir... La rentrée 2021-22 est l’image navrante de cette politique incapable de répondre à la légitime demande d’inscription à l’université d’une jeunesse déjà éprouvée par la pandémie et aspirant toujours à se former au plus haut niveau. Les « sans fac », avec en particulier un conflit à Nanterre que le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a laissé s’enliser de façon scandaleuse au détriment de tous et toutes, sont la partie visible des dégâts de cette sélection qui ne dit pas son nom. Combien de jeunes n’ont pas pu s’inscrire ? Combien ont renoncé ? Combien les suivront ? Cette question dépasse largement les murs de telle ou telle université. Il s’agit d’un problème de société qui nous concerne toutes et tous car il touche à la nature même de notre ambition pour la jeunesse, pour notre avenir et, finalement, en faveur du progrès pour tous. C’est ainsi que la CGT Ferc Sup appelle à la solidarité de tous les membres de la communauté universitaire pour faire échec à cette politique d’enseignement supérieur. Qu’on choisisse telle ou telle forme de lutte, il est essentiel de ne pas se laisser berner par les apparences, que vous entretenez savamment. C’est à vous-même, dans le cadre de votre responsabilité ministérielle, que nous demandons des comptes et exigeons des mesures immédiates pour inscrire les étudiants n’ayant pu l’être jusque-là et ce, dans la perspective d’obtenir le respect de tous les droits existants et la conquête de droits nouveaux. Cela passe bien entendu par une politique budgétaire tournée vers l’avenir, à l’opposé de celle que vous avez pratiquée jusqu’à aujourd’hui. Veuillez croire, Madame la Ministre, en notre indéfectible attachement au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche et à son corollaire, le statut de fonctionnaire de tous ses personnels. »