lls étaient presque une vingtaine à se réunir ce soir-là, en visioconférence, Covid oblige, pour ce séminaire journalistique dédié à la mobilisation des Gilets jaunes. C’est Jean-Marie Charon, sociologue spécialiste des médias et président des Entretiens de l’information, qui animait le débat. Parmi les journalistes présents, on trouvait principalement des représentants de la presse écrite avec la presse quotidienne régionale (La Voix du Nord et Le Courrier Picard), la presse hebdomadaire régionale (L’Observateur du Valenciennois, L’Indépendant du Pas-de-Calais, Liberté Hebdo), les correspondants des médias nationaux (Le Monde, Libération, l’AFP) ainsi que France 3 et Lille Actu. Si le thème principal devait initialement être celui du traitement par la presse du mouvement des Gilets jaunes, les échanges se sont rapidement transformés et il a surtout été question du traitement de la presse, et donc des journalistes sur le terrain, par les Gilets jaunes. Car c’est la thématique de la « révolte » plutôt que du mouvement social qui est revenue tout au long des deux heures et demie d’échanges intenses. « Une révolte qui prend d’abord les traits de la radicalité, tout en échappant aux modes d’organisation et de représentation habituels (en dehors des syndicats, associations, partis, avec leurs responsables et représentants), en l’absence desquels le travail du journaliste se trouve compliqué » explique Jean-Marie Charon. Une révolte qui va souvent rimer avec « violence », à l’égard de certains journalistes et de la police. Cette violence a conduit à des prises de dispositions inédites en presse locale : le recours à du matériel de protection, des protocoles pour se mouvoir dans les manifestations voire un ou plusieurs gardes du corps. Une situation qui a choqué certains journalistes et les a aussi empêchés de faire leur travail correctement, posant la question de l’arrêt pur et simple de la couverture des manifestations au sein de certaines rédactions. Ce séminaire a aussi permis de mettre en avant les spécificités liées au contexte régional qui « fait cohabiter la ville métropole lilloise, des villes importantes comme Amiens et plus petites, des territoires ruraux, des pays bien spécifiques ».Parmi les spécificités du nord, le sociologue relève notamment « celle de l’empreinte du RN ex FN ».« Dans aucun autre séminaire ne sera apparu avec autant d’insistance le sujet d’une forme de manipulation ou de proximité entre Gilets jaunes et extrêmes politiques » avec « une situation inédite, où ces extrêmes opposés pouvaient se côtoyer sur un même rond-point ou lors d’une même manifestation ou action violente » décrit Jean-Marie Charon. Concernant le mouvement en lui-même, les journalistes évoquent avant tout une très grande « hétérogénéité » des participants, avec tout de même une forme dualité entre la métropole lilloise et les petites villes et campagnes où les journalistes « retrouvaient des associatifs, des acteurs locaux, des personnalités, des élus, qui parfois les ont d’ailleurs protégés face à des groupes de Gilets jaunes hostiles, voire agressifs et venant d’ailleurs ». Un groupe très varié donc mais avec cependant des points communs :« anti-social, anti-association, anti-parti » et une forme de « chacun pour soi », expression de la « génération Facebook » comme l’analyse un des participants. Un besoin d’expression, et surtout celui d’être « entendus »sans être contestés, qui va de pair avec un rejet des médias et des journalistes, exacerbé après la date charnière du 1er décembre « avec l’attaque de l’Arc de triomphe » selon eux. Si l’ensemble des journalistes n’a « pas vu venir ce mouvement », tous ont la certitude que la révolte n’est pas éteinte. Elle serait simplement en sommeil à cause de la Covid-19 et « ressortira d’une manière ou d’une autre ».
Pour plus d’informations : lire le compte-rendu de Jean-Marie Charon.