© Marc Dubois
Au moment du choix pour les propositions de base commune du PCF

Deux chemins pour un objectif : faire gagner la gauche

Publié le 27 janvier 2023 à 14:52

Ces 27, 28 et 29 janvier, les communistes (à jour de cotisation) vont choisir entre le texte adopté lors du conseil national du PCF des 3 et 4 décembre et le texte alternatif déposé le 8 janvier et validé par 300 signatures issues de plusieurs fédérations du parti. Le texte majoritaire deviendra la base commune pour les congrès de sections, la conférence fédérale et le congrès national. Lors de son assemblée générale du 14 janvier, la fédération du Nord a proposé une analyse des deux textes. En voici de larges extraits.

A la tribune, face à une salle emplie au maximum de ses capacités, à l’Espace Marx de Lille, Erwan Jacquemart a expliqué les points qui rapprochent les deux textes et ceux qui les différencient. La proposition de base commune du conseil national, « L’ambition communiste pour de nouveaux jours heureux », et le texte alternatif intitulé « Urgence de communisme, ensemble pour des victoires populaires » adoptent deux raisonnements assez similaire. Ainsi, développe le secrétaire de la vie du parti (pour le Nord), « notre monde est dominé par le capitalisme globalisé et financiarisé. Ce système n’est pas à la hauteur des enjeux de notre temps et il est la cause des crises économiques, écologiques, alimentaires, sanitaires, sociales et sociétales que nous connaissons. Les guerres, les inégalités, les discours haineux et le repli sur soi sont les conséquences de ces crises. Pourtant, dans le même temps, il existe des forces disponibles qui aspirent à un changement profond et qui défendent les droits sociaux, l’égalité, la justice et la démocratie. C’est pourquoi il n’y a jamais eu autant besoin de communisme : de mise en commun, d’un mode de développement qui renonce à l’immense gâchis de nos ressources, d’une perspective d’émancipation individuelle et collective et d’une civilisation nouvelle basée sur le développement de toutes les capacités humaines. »

Un modèle pour dépasser le capitalisme

Il apparaît de ces deux propositions que la description des crises est assez détaillée dans la proposition du CN mais les enjeux de notre époque sont également résumés dans le texte alternatif. Pour les 2 textes, le constat de départ est globalement le même : il s’agit de construire à travers nos réflexions un modèle capable de dépasser le capitalisme et une stratégie permettant d’apporter une alternative politique crédible et en mesure d’exercer le pouvoir à terme. Nous retrouvons donc des idées communes aux 2 propositions, notamment :

  • L’idée que le capitalisme a atteint un tel niveau que pour la première fois dans l’Histoire, un mode de production et d’organisation de la société menace l’existence même de notre espèce. On parle de l’ère de l’anthropocène d’un côté et de capitalocène de l’autre mais pour décrire la même menace que constitue le système économique et social actuel sur l’Homme et la planète.
  • Le défi que représente un dépassement de ce système à bout de souffle et l’idée que l’Humanité se retrouve à un carrefour et devant des choix décisifs pour notre civilisation.
  • Le danger que représente les politiques autoritaires, identitaires et nationalistes qui conduisent à une militarisation du monde et à l’exacerbation des tensions internationales jusqu’au déclenchement de conflits guerriers.
  • La montée en puissance de l’extrême droite et le fait qu’elle se retrouve au porte du pouvoir dans notre pays comme ailleurs en Europe et dans le monde.
  • L’affirmation qu’il existe des mouvements et des luttes populaires constituant des points d’appui pour à la fois la diffusion de nos idées et leur mise en place concrète afin de bâtir un système alternatif et progressiste.

Le défi d’une campagne

« Les différences entre les deux textes, souligne Erwan Jacquemart, portent essentiellement sur l’analyse de notre affaiblissement, sur les choix stratégiques passés et surtout à venir, sur la démarche de reconquête à entreprendre, sur notre place dans les luttes et les mouvements populaires et enfin sur le regard et la conduite à tenir dans la reconstruction actuelle de la gauche. Dans sa première partie, le projet de base commune du CN propose un retour sur l’ensemble des séquences électorales depuis 2019 et une large place est consacrée à l’analyse de nos campagnes présidentielle et législatives de 2022. En ce qui concerne l’élection présidentielle, il est rappelé le processus interne qui a conduit 82 % des adhérentes et adhérents à se prononcer en faveur d’une candidature communiste à cette élection structurante de la vie politique française. Le défi que constituait cette campagne est également souligné puisque nous n’avions pas présenté de candidat depuis 2007. Les axes que nous avons portés dès l’été 2021 sont reprécisés : la révolution du travail et de la production ; la promotion de biens communs par le service public ; une République sociale, démocratique, laïque et universaliste pour rendre au peuple sa souveraineté ; l’égalité réelle ; une voix souveraine de la France en Europe et dans le monde au service de la paix et des coopérations. L’activité politique en lien avec la campagne de Fabien Roussel est mentionnée ainsi que le dynamisme, l’écho populaire et la notoriété que ce dernier a su construire au fil des mois. En conclusion, le constat est posé qu’en fin de campagne, nous ne parvenons pas à déjouer un système électoral qui favorise de plus en plus les candidates et candidats présentés comme pouvant accéder au second tour : c’est-à-dire la question du vote « utile ».

Le danger de l’hyperprésidentialisme

Le texte revient sur le danger de l’hyperprésidentialisme, présenté comme un obstacle à la démocratie et à l’expression de la véritable souveraineté populaire. Notre engagement à combattre ce modèle est donc réaffirmé. Le gain de visibilité de nos idées, de nos propositions et de notre Parti à travers cette candidature est perçu comme un progrès dans l’identification de l’originalité et de l’utilité des communistes dans la reconstruction de la gauche. Sur les élections législatives, il est dit que l’alliance électorale constituée dans le cadre de la NUPES répond à un désir d’union du peuple de gauche, sans pour autant être à la hauteur des défis posés à la France et à la gauche. Même si cet accord permet à de nombreux candidat.e.s de gauche de se qualifier au second tour et de faire élire deux fois plus de député.e.s de gauche que sous la mandature précédente, il ne permet pas de rassembler suffisamment d’électeurs pour constituer une majorité à l’Assemblée Nationale. Il est précisé que la progression de nos idées et que la reconstruction de la gauche est un travail de longue haleine et que nous ne sommes qu’au début de ce processus. Le texte alternatif revient de manière plus succincte sur l’élection présidentielle en rappelant que le débat existe parmi les communistes sur les causes de notre affaiblissement. L’absence de candidat aux élections de 2012 et 2017 n’expliquant pas totalement notre recul, il est fait le constat que l’objectif de la candidature de Fabien Roussel n’est pas atteint, à savoir engager notre retour sur le plan électoral. Concernant les législatives, la création de la NUPES est perçue comme un signal d’espoir. Cette alliance inédite des quatre grandes forces de gauche et écologistes exprime l’idée que la gauche, dans sa diversité, peut s’unir autour d’un projet transformateur et être candidate au pouvoir politique. Il est toutefois précisé que tout reste à faire pour concrétiser l’espoir qu’elle a suscité, c’est-à-dire construire une majorité politique populaire apte à l’emporter et à gouverner.

Deux approches du mouvement social et des mouvements citoyens

Dans les 2 propositions, l’émergence de mouvements sociaux et populaires de formes et de natures différentes à travers le monde est souligné et conduit à nous encourager à croire à l’avènement d’un nouvel ordre tant attendu. Cette notion de forces disponibles n’est pas tout à fait abordée de manière similaire par les 2 textes. « En faisant attention à ne pas être trop caricatural, insiste Erwan Jacquemart, nous pourrions résumer la différence d’approche en disant que la proposition du CN cherche à placer les communistes au plus près des mobilisations sociales avec la volonté de reconquérir les actrices et les acteurs du monde du travail et des catégories populaires alors que le texte alternatif adopte plutôt une démarche d’accompagnement des mouvements citoyens en étant particulièrement attentifs aux nouvelles dynamiques contestatrices qui en découlent. » Autre nuance à noter : chaque proposition pointe une catégorie différente de citoyens que nous avons du mal à « toucher » politiquement. Le premier texte fait le constat que nous devons mobiliser et remobiliser les citoyennes et les citoyens des périphéries urbaines, péri-urbaines ou encore des zones rurales, où se concentrent une part importante du monde du travail, des catégories populaires et moyennes. Le second texte souligne quant à lui notre « erreur » qui consiste à minorer certains combats en les renvoyant aux aspirations de couches relativement favorisées des centre villes ou à les mettre en opposition aux luttes des catégories populaires des banlieues ou des périphéries.

Quelle stratégie pour rassembler ?

Cela conduit à analyser ce qui apparaît être la différence majeure entre les 2 textes : la question de la stratégie à adopter pour parvenir à un rassemblement majoritaire de notre peuple. L’objectif est le même : faire gagner la gauche ! Le chemin proposé est différent. Le texte 1 propose de travailler à une nouvelle dynamique populaire agissante en s’appuyant sur le monde du travail considéré comme la force motrice réunissant l’ensemble des classes disponibles à un combat pour changer la vie. L’idée est de renforcer les luttes actuelles pour leur permettre de mieux résister mais surtout pour en faire des objets de nouvelles conquêtes sociales. Cette action se veut complémentaire de celle des organisations syndicales. Il s’agit de reconnaître mutuellement l’indépendance des syndicats, des forces associatives et des partis politiques mais sans tomber dans une forme d’indifférence réciproque. Pour le dire plus simplement : nous devons être capable de marcher sur nos 2 jambes pour mener avec détermination la bataille des idées. Le texte 2 insiste lui sur la nécessité d’investir toutes les urgences pour la mise en mouvement transformatrice du peuple. Il estime que notre responsabilité de communistes est de porter ces urgences qui abîment la vie de millions de femmes et d’hommes et qui menacent l’avenir de la planète. Faisant le constat de l’émergence d’engagements divers et massifs en dehors des formes traditionnelles ou institutionnelles, il propose d’investir ces mouvements, de contribuer à les rendre plus forts jusqu’à remporter des victoires et à en faire des leviers pour un projet politique partagé par les forces vives du pays, un véritable programme d’union populaire. Dans ce contexte, le texte alternatif affirme l’urgence de cette union populaire à travers un rassemblement de la gauche et des forces de transformation sociale pour conjurer le danger que représente la montée de l’extrême-droite dans notre pays. Conscient que la notion de rassemblement fait débat, il propose de ne pas en faire l’économie lors de notre congrès. En affirmant que la NUPES a créé un espoir, il souhaite qu’elle devienne le levier d’une dynamique populaire majoritaire Le texte 2 propose un calendrier pour les échéances électorales à venir en proposant de concentrer tous nos efforts pour chacune d’entre elles sur la victoire de l’union populaire. Le texte 1 fait lui le constat que la situation à gauche n’est pas figée et qu’à ce stade, elle ne permet pas de répondre à l’impérieuse question du rassemblement majoritaire du peuple autour d’une alternative transformatrice. Il s’agit donc de dépasser ces difficultés en contribuant à clarifier les débats qui traversent toutes les forces de gauche, en cherchant à en faire bouger les lignes, en travaillant à des convergences de contenu et d’action, en étant une force motrice d’initiatives et de propositions.