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Élections régionales

En attendant le programme de la gauche

par Philippe Allienne
Publié le 7 mai 2021 à 12:14

À quelques semaines des élections régionales, les têtes de listes départementales de la liste « Pour le climat, pour l’emploi » sont désormais connues. Ce n’est le cas ni pour les listes complètes des candidats, ni pour le programme qui sera présenté et qui, à n’en pas douter, devra présenter un juste équilibre pour respecter les forces en présence.

Tout au plus sait-on que Karima Delli, tête de la liste régionale, ne regarde pas la prochaine réalisation du canal Seine-Nord avec les yeux de Chimène. Elle a aussi avancé quelques idées sur les industries qui disparaissent dans la région (Bridgestone, Maxam Tan) ou dont l’avenir local offre peu de promesses (PSA-Stellantis à Douvrin, Cargill Haubourdin pour l’exemple). Le volet industriel et énergétique est cependant fondamental pour la région Hauts-de-France. Il nécessitera nécessairement des arbitrages sérieux au moment d’écrire et de finaliser le programme. Il s’agit ensuite de se positionner en face du bilan économique et industriel de Xavier Bertrand, candidat à sa succession et donné favori par les instituts de sondage.

Bilan en demi-teinte

Ce bilan apparaît en demi-teinte. Entre 2015 (le début de son mandat) et 2020, le taux de chômage est passé de 12,4 à 9,6 %. Si l’actuel président se targue d’avoir fait reculer le chômage, ce dernier a reculé partout en France et la région demeure parmi celles qui comptent le plus de sans-emploi. Quid du rattrapage ? Président de la commission économique sous le dernier mandat de Daniel Percheron, le communiste Bertrand Péricaud estime que Xavier Bertrand a bénéficié de la politique animée par l’ex-président socialiste et, à l’économie, par Pierre de Saintignon. « Lorsqu’il a lancé sa campagne pour les élections de 2015, le candidat Bertrand est parti sur deux projets d’envergure : Seine-Nord et le Réseau Express Grand Lille entre la métropole lilloise et le Bassin minier. Aujourd’hui, il se félicite d’avoir réussi à lancer le canal Seine-Nord et il assure qu’il va réaliser le REGL s’il est réélu. De fait, il s’inscrit bien dans la démarche initiée par ses prédécesseurs, donc dans la continuité du mandat précédent. » De la même façon, dans le domaine de l’industrie ferroviaire, la Région a joué son rôle en matière d’emploi en soutenant l’industrie de matériel ferroviaire. Les carnets de commande d’Alstom et de Bombardier ont été assurés. Mais si l’on regarde la gestion qui a précédé celle de Xavier Bertrand, on constate qu’une des grandes satisfactions de Pierre de Saintignon a été le sauvetage in extrémis d’Arc International en 2014. La Région l’a sorti de l’ornière en participant à sa recapitalisation et en renégociant le taux de sa dette. « C’est qu’à l’époque, analyse Bertrand Péricaud, le vice-président à l’économie était omniprésent et discutait avec les chefs d’entreprise et les syndicats. D’ailleurs, les syndicalistes regrettent ce temps où ils étaient associés à la recherche de solutions. » Aujourd’hui, Xavier Bertrand fait de grandes déclarations pour critiquer le retrait des Japonais de Bridgestone Béthune. Mais cela ne va pas loin et, en définitive, le site met la clé sous la porte avec la catastrophe sociale que l’on connaît, même si un PSE qualifié d’exceptionnel a été conclu. C’est quand même, pour la région, une usine importante qui s’en va.

Nos usines ne sont pas dépassées : on les délocalise

On pourrait dire la même chose pour l’usine Maxam Tan ou pour les batteries pour l’automobile de PSA-Stellantis, ex-FM. « Les dossiers industriels, Xavier Bertrand en a fait son domaine réservé  », observe Bertrand Péricaux qui note au passage que l’on ne connaît pas, ou très peu, l’actuel vice-président à l’économie. On peut aussi regretter la disparition de la commission de contrôle de l’argent public que les communistes, qui siégeaient au conseil régional jusqu’en 2015, avaient obtenue. « Cette commission permettait de faire, deux fois l’an, un point sur l’ensemble des aides accordées aux entreprises. Ces aides étaient conditionnées aux résultats en termes d’emploi. Au minimum, l’entreprise devait-elle les maintenir. Il leur était aussi demandé d’en créer de nouveaux. » Cela fonctionnait. Pour preuve, MCA Maubeuge s’est vu réclamer, par la Région, le remboursement d’1,5 million d’euros pour n’avoir pas respecté ses engagements sur l’emploi. Et de la même façon, il manque aujourd’hui une cellule de suivi pour les entreprises en difficulté. Au lieu de cela, le conseil régional travaille en confiance avec l’État. On a constaté le résultat pour Bridgestone. Le directeur général Bruno Capron avait prévenu, avant de quitter Béthune pour rejoindre le siège européen, en septembre 2013. «  Si rien n’est fait pour maintenir le site, les Japonais vont le fermer. » L’État n’a pas suivi. Xavier Bertrand n’a rien pu faire. « Le pire, regrette Bertrand Péricaud, c’est que l’on puisse considérer aujourd’hui que des entreprises comme Bridgestone, Maxam Tan ou encore PSA-Stellantis sont des modèles dépassés et qu’il faut avant tout penser économie verte. Ces usines ne sont pas dépassées puisque, désormais, on va fabriquer des pneus pour véhicule SUV en Pologne, on va fabriquer des batteries en Hongrie et, pour ce qu’il est de Maxam Tan, nous avons besoin d’explosifs.  » Les usines qui structuraient et structurent encore notre région ne sont pas ringardes. Le problème est que, pour des raisons financières, on les délocalise.