Forte odeur de reconfinement

Fermées ou pas, les écoles dans la tourmente de la crise

par Philippe Allienne
Publié le 28 janvier 2021 à 20:13

Quoi que décide le gouvernement ce week-end, les écoles ne sont pas prêtes à affronter l’épidémie de Covid. Parallèlement, l’Éducation nationale poursuit sa politique de fermeture de classes.

Évidemment, tant est élevé le degré d’improvisation et d’imprécision du gouvernement, nous ne pouvons être sûrs de rien au moment où est bouclée cette édition de Liberté Hebdo. Il faudra attendre que le président de la République s’exprime, ce week-end, pour savoir, non pas s’il y aura reconfinement ou non, mais en connaître la nature. Quand le porte-parole Gabriel Attal parle de « confinement serré », il est incapable d’expliquer ce qu’il entend. Quel en sera le périmètre, quelles seront les contraintes pour les commerces indépendants, les artisans, le monde culturel ou encore le monde sportif ? Quel est, par-delà ce questionnement, le degré d’acceptation des citoyennes et citoyens de ce pays qui, chacun s’accorde au moins à le reconnaître, sont aussi fatigués que désemparés ?

Les « imprécisions » du ministre

Parmi les questions essentielles qui se posent, celle de l’école est primordiale. Dimanche dernier 24 février, répondant au Journal du dimanche, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer plaidait pour que les écoles, collèges et lycées demeurent ouverts en cas de confinement. « Je préfère, disait-il, les modalités qui ont prévalu en novembre, avec les établissements ouverts, d’autant que nous constatons a posteriori que notre stratégie a fonctionné. » Improvisation, imprécision ou cynisme ? En quoi cette stratégie a-t-elle fonctionné quand on sait que le protocole sanitaire s’avère inefficace pour repérer et bloquer les transmissions de Covid, qu’il est critiqué depuis des mois par les acteurs de l’Éducation nationale ? À juste raison d’ailleurs puisque les école connaissent une augmentation importante des cas de Covid-19 et que d’importants clusters y apparaissent. Professeur honoraire de psychologie de l’éducation, Claire Leconte (qui exerçait à Lille 3), ne mâche pas ses mots. Certes, il serait question de profiter, en la transformant éventuellement, de la période de vacances scolaires qui arrive. Mais après ? Si l’on décide de fermer les écoles, dit-elle en substance, il faut bien remarquer que, depuis le premier confinement de mars 2019, rien n’a été fait pour faciliter l’enseignement à distance. En l’occurrence, cette solution demeurerait discriminatoire pour les familles les plus défavorisées : manque de moyens et de suivi, isolement, décrochages... Le « suivi pédagogique » a pris du plomb dans l’aile. « Lors de la première expérience, pour faire face à l’absence d’ordinateur et de liaison internet, certains enseignants devaient aller remettre les devoirs dans les boîte aux lettres postales des parents ! »

Pas de réelle protection

Dans le cas où le gouvernement opte pour la non-fermeture des écoles, « rien n’est vraiment fait pour que les enseignants et les enfants soient vraiment protégés. Il n’y a peut-être pas de morts, mais personne ne connaît les effets secondaires à long terme de cette maladie, on ne cesse de le constater ». Concernant les écoles, de nombreuses communes manquent de moyens, les sanitaires et les toilettes ne sont pas à la hauteur, leur état n’est pas toujours vérifié, il n’y a pas d’eau chaude. Dans le secondaire, les établissements manquent de moyens. « Ils ne peuvent pas forcément mettre en place des sens uniques pour éviter les bousculades dans les couloirs. » En résumé, se questionne Claire Leconte, « les enseignants peuvent-ils avoir des masques vraiment protecteurs ? Peut-on trouver des solutions pour qu’il y ait de la distance entre tous ? Toutes les communes peuvent-elles faire de la cantine un lieu où il n’y a pas un brassage dangereux ? Ne peut-on faire des demi-groupes ? etc. » Elle met aussi en cause le manque de transparence. « Quand un enseignant se retrouve positif, pourquoi doit-il passer par l’Inspection de l’Éducation nationale et le médecin scolaire pour définir qui sont les cas contacts et voire s’il faut fermer ou non l’école ? En l’occurrence, la fermeture des écoles permet de maîtriser la communication. Comme il n’est pas question de montrer que l’école peut transmettre la Covid, dans la plupart des cas, on isole l’enseignant concerné mais ce sont tous les autres qui ne sont pas réellement protégés. De plus, où sont les masques transparents pour l’apprentissage en maternelle et CP ? » Ainsi, réfléchit Claire Leconte, « qu’il faille laisser les écoles ouvertes pour x raisons, d’accord, mais se pose-t-on la question du dégât psychologique sur les enfants avec un accueil tel qu’il est : interdiction de courir, masque toute la journée pour les 6 ans, interdiction d’aller voir les copains à la récré s’ils ne sont pas dans la classe (non brassage), à force de se laver les mains et avec de l’eau froide dans cette période (car il n’y a pas d’eau chaude dans tous les sanitaires) certains ont les mains gercées… ». Il semblait admis de dire que « les enfants sont formidables et qu’ils s’adaptent ». Mais au final, de plus en plus de parents signalent que leur enfant pleure au moment d’aller à l’école.