ÉNERGIE

Gaz : devrez-vous changer de chaudière ?

par Mathieu Hébert
Publié le 23 novembre 2018 à 11:34 Mise à jour le 1er janvier 2019

D’ici 2030, une grande partie des habitants de la région devront changer de chaudière. Motif : le gaz qu’on utilise ne sera plus le même. Un changement technique obligatoire qui aura un coût. Qui paiera ?

Vous êtes-vous déjà demandé d’où venait le gaz brûlé dans votre chaudière ? Si vous habitez dans les Hauts-de-France, il est fort probable que votre logement soit alimenté en gaz naturel issu du gisement de Groningue, au nord des Pays-Bas, et dont le gouvernement vient de décider la fin de l’exploitation. Problème : une partie des chaudières n’est pas compatible avec d’autres types de gaz. Il faudra donc la remplacer, soit un coût de plusieurs milliers d’euros par foyer.

Michelle Gréaume, sénatrice PCF du Nord, s’est emparée de la question.

Qui paiera la facture ? Michelle Gréaume, sénatrice (PCF) du Nord, s’en est inquiétée : elle a interrogé le ministre de la Transition écologique et solidaire sur le sujetfin octobre.

Pour comprendre la question, un peu de technique s’impose. Le gaz extrait à Groningue, dit gaz « B », présente un pouvoir calorifique moindre que le gaz naturel dit « H » (comme haut pouvoir calorifique), distribué dans la plupart des réseaux de l’Hexagone. Le gaz B, acheminé via la station de Taisnières, près de Maubeuge, alimente 1,3 million de foyers dans les cinq départements des Hauts-de-France, et dans une moindre mesure en Seine-Maritime, soit 10 % de la consommation française. « Cette conversion implique donc un certain nombre d’interventions techniques sur les appareils et équipements des usagers  », souligne Michelle Gréaume.

Un plan de conversion des réseaux de distribution et des appareils est en cours d’élaboration depuis 2016. GRDF forme déjà des agents et des installateurs. Une soixantaine de personnes ont ainsi réussi leur formation sur le site GRDF de Cambrai entre mai et juillet. Le gestionnaire du réseau de distribution public fait aussi réaliser un recensement des appareils. Résultat : une partie pourra être adaptée, mais une autre partie devra être remplacée.

La bascule gaz B/gaz H doit débuter en avril prochain. Quatre phases pilotes ont été programmées d’ici à 2020, dans les zones géographiques de Doullens, Gravelines, Grande-Synthe et Dunkerque. Un rapport d’évaluation doit être fait à l’issue de celles-ci avant le déploiement progressif de la conversion sur l’ensemble des territoires concernés.

Une note de 630 millions d’euros

L’opération « ne pose pas de difficultés techniques majeures dans 90 % à 95 % des cas  », explique la sénatrice communiste. L’adaptation des chaudières, si nécessaire, pourra être effectuée par le chauffagiste qui en assure l’entretien.

Reste la question des équipements qui ne peuvent s’adapter à la conversion. « Les premières estimations indiquent que 3 % des appareils ne sont pas adaptables, 5 % sont incertains en raison de leur vétusté », rapporte l’élue du Valenciennois.

En incluant les chaudières non adaptables, les appareils vétustes et les chaudières de plus de quinze ans, soit un total de 192 000 appareils, GRDF estime le coût de leur remplacement à environ 630 millions d’euros.

Quid du financement ? « La taxe d’utilisation du réseau ne concerne que les appareils adaptables. Le financement du remplacement des appareils non adaptables reste en suspens  », s’inquiète Michelle Gréaume. Elle n’est pas la seule : c’est aussi le cas chez GRDF, ou chez des autorités concédantes telles que la Communauté urbaine de Dunkerque ou à la Fédération de l’Energie du Pas-de-Calais, qui réunit toutes les communes du département. Des discussions sont en cours avec la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), qui dépend du ministère de la Transition écologique, afin d’élaborer un dispositif de financement. On attendait le résultat pour septembre, afin de permettre les premières interventions, autour de Doullens, dès le mois d’avril. Mais la réponse tarde...

La facture ne doit pas « reposer uniquement sur les usagers qui ne sont en rien responsables de cette situation  », affirme Michelle Gréaume. « Le simple prix d’une chaudière peut être estimé, selon leur type, au minimum entre 3000 et 5000 euros en moyenne, sans la pose. Il s’agit d’un prix prohibitif pour nombre d’usagers dans une région profondément marquée par les inégalités sociales et la pauvreté  ». A cette heure, la sénatrice attend toujours une réponse.

Bientôt un « chèque conversion » ?

La question a toutefois été abordée en séance le 10 décembre, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances 2019. Un amendement déposé par le gouvernement a été adopté qui prévoit la mise en place d’un « chèque conversion », « afin d’aider les consommateurs de gaz naturel concernés par la conversion du gaz B en gaz H dans les Hauts-de-France à changer leur équipement quand il ne peut être adapté », a expliqué Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics. « Ce chèque serait financé par le biais du tarif d’utilisation du réseau de distribution de gaz naturel  », a-t-il précisé. Mais on n’en connaît pas encore le montant.

Aux Pays-Bas, l’extraction du gaz provoque des séismes à répétition

Situé dans la province du même nom, le gisement gazier de Groningue est le plus grand d’Europe. Mais après 55 ans d’exploitation, le gouvernement néerlandais a décidé d’y mettre un terme. En cause : les séismes provoqués par l’extraction du gaz. Ils sont apparus à la fin des années 1980. On en enregistrait quatre par an jusqu’en 2002 et ils se sont intensifiés depuis : 29 glissements de terrain pour la seule année 2011 ; 18 séismes notables en 2017. Puis un tremblement de terre d’une magnitude de 3,4 sur l’échelle de Richter en janvier dernier, le séisme le plus lourd depuis 2012, quand un précédent événement avait endommagé des milliers d’habitations. A l’époque, la société exploitante, filiale d’ExxonMobil et Shell, avait rechigné à indemniser les victimes. Les gouvernements successifs, eux, n’envisageaient pas de fermer le robinet qui a longtemps assuré l’indépendance énergétique du pays. Changement de ton en début d’année, donc : la production sera réduite à 12 milliards de m3 d’ici 2022 « pour tomber à zéro avant 2030  », a annoncé le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, fin mars. La production de gaz s’élevait à 80 milliards de m3 par an dans les années 1970, 54 milliards de m3 en 2013 et près de 20 milliards seront encore extraits cette année.