Justice

Hénin-Beaumont : la municipalité procédurière mise en échec

Publié le 11 décembre 2020 à 16:17 Mise à jour le 15 décembre 2020

L’affaire remonte à 2016. René Gobert, l’ex-secrétaire du syndicat CGT des Territoriaux d’Hénin-Beaumont diffuse avec ses camarades un tract dénonçant la vidéosurveillance en mairie d’Hénin-Beaumont, qui permettrait selon eux d’espionner les agents ; il dénonce également l’éviction du jeune directeur des affaires juridiques, Édouard Blanc, dont le contrat n’est pas renouvelé pour cause de bonnes relations avec la CGT et les élus d’opposition. Sur une page Facebook anonyme créée fin décembre 2015 baptisée « La Voie d’Hénin » à la suite de l’appel de La Voix du Nord à empêcher la victoire de Marine Le Pen aux élections régionales, René Gobert devient, aux côtés des journalistes de La Voix du Nord et des élus d’opposition de gauche, la cible récurrente. La page, anonyme, est si proche des élus RN héninois que tout indique qu’ils en sont les créateurs et les rédacteurs. La première vidéo publiée par « La Voie d’Hénin », trois jours après sa création, est d’ailleurs l’enregistrement vidéo du conseil municipal d’Hénin-Beaumont par les services de la ville…

Mise en examen d’un adjoint

Pendant plusieurs mois, René Gobert, qui est muté dans un autre service, est accusé sur « La Voie d’Hénin » d’être un « incapable », « incompétent », un « judas » au service de l’opposition de gauche. Les membres du bureau de la CGT des territoriaux sont traités d’« alcooliques » et de « paresseux ». Un article s’en prend même à la fille de René Gobert, qui craque et publie un post Facebook injuriant les élus RN héninois et menaçant de se venger après que la municipalité lui a refusé la protection fonctionnelle pour porter plainte contre « La Voie d’Hénin ». Et pour cause… On apprendra au mois d’octobre 2017 la mise en examen de Christopher Szczurek, adjoint au maire de Steeve Briois et conseiller départemental RN, à la suite d’une plainte de La Voix du Nord contre « La Voie d’Hénin » et d’une enquête de police qui a permis de remonter à son adresse IP. L’adjoint RN bénéficiera finalement d’un non-lieu... En arrêt-maladie pour dépression pendant quinze mois suite au harcèlement dont il est victime, René Gobert est menacé de révocation et poursuivi pour injures et menaces devant le tribunal correctionnel de Béthune, qui le condamne en octobre 2017 à deux mois de prison avec sursis. En revanche, le conseil de discipline de recours de la fonction publique annule sa révocation et se prononce pour sa réintégration après une exclusion d’un an dont la moitié avec sursis. L’ex-délégué CGT et la municipalité se sont finalement retrouvés le 13 novembre dernier devant le tribunal administratif (TA) de Lille. La municipalité RN demandait au TA d’annuler la décision du conseil de discipline sur la réintégration de René Gobert et contestait son arrêt-maladie ; de son côté, l’ex-délégué CGT dénonçait le harcèlement moral dont il était l’objet. Le tribunal administratif a rendu sa décision cette semaine, rejetant les deux demandes de la municipalité RN héninoise. Pour les juges lillois, la dépression de René Gobert était la conséquence directe du cyberharcèlement dont il a été victime et c’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la décision du conseil de discipline de recours, confirmée par le tribunal administratif, rejetant la demande de révocation. La municipalité RN échappe cependant à une condamnation pour harcèlement moral du fait de l’absence de preuve de leur implication derrière la page « La Voie d’Hénin ». René Gobert devra verser 1 500 euros de frais de justice à la mairie d’Hénin-Beaumont qui devra lui verser en retour 3 000 euros.

(Photo : © JB Eyguesier - CE/Dircom)