- Fallait-il manifester avec les policiers, mercredi 19 mai ? Non, je ne le pense pas. Il y a quelques semaines, nous étions en train de protester contre les violences policières et aujourd’hui, nous marchons avec une police gangrenée par l’extrême droite, celle qui a tabassé des infirmières et des Gilets jaunes. Nous ne pouvons pas non plus manifester avec des représentants du Rassemblement national et le ministre de l’Intérieur.
- Mais la question de la sécurité est importante. Fabien Roussel rappelle que ce n’est pas dans les quartiers riches que l’on réclame davantage de sécurité, mais plutôt dans les quartiers populaires. Je ne mets évidemment pas la sincérité de Fabien Roussel en doute. Nous ne pouvons certainement pas balayer les questions de sécurité d’un revers de main. Évidemment, si on ne met que les questions de sécurité sous le nez des gens, ils ne parleront que de cela : les vols de voiture, les problèmes de tranquillité, etc. Mais il faut faire attention. La vraie gauche ne peut se laisser emmener sur un terrain dangereux que s’accapare l’extrême droite. Les communistes ont une autre conception de la police et de la sécurité. D’ailleurs, on sait très bien que ce que dit l’extrême droite sur la question n’est pas sérieux. Avec elle au pouvoir, il n’y aurait pas plus de sécurité. Bien au contraire.
- Que faut-il faire alors ? Nous battre sur nos idées. Moi, en tant que maire communiste et conseiller départemental, je pense que nous devons être sur les questions sociales : l’emploi, la précarité, les revenus, la santé, l’éducation, les services publics, etc. Bref, toutes les questions qui sont le fondement de notre combat contre le capitalisme. C’est sur cela qu’il nous faut nous concentrer. Regardez le cas du policier qui a été tué par un dealer à Avignon. Il faut s’attaquer au trafic au plus haut niveau. Or, on sait que dans certains quartiers, des familles entières dépendent du trafic. C’est pour cela qu’il faut veiller à régler les problèmes sociaux.
- Et sur la sécurité elle-même ? Nous traitons les questions de sécurité avec une approche complètement différente de celle de la droite. Dans ma ville, par exemple, il n’y a pas de caméras de vidéo- surveillance. C’est une gabegie d’argent public. Le Département de l’Oise, alors que ce n’est pas de sa compétence, dépense des sommes fabuleuses dans un centre de supervision de vidéo-protection. Dans le même temps, l’agglomération creilloise à laquelle appartient Montataire compte cinq quartiers prioritaires et cinq éducateurs spécialisés. Les questions de sécurité, nous les abordons par le triptyque prévention, dissuasion, répression. En termes de prévention, on est dans les choux y compris en termes de forces de police. L’abandon de la police de proximité a abouti à des catastrophes. Quand je vois Gérald Darmanin manifester avec la police alors que Nicolas Sarkozy a supprimé 12 000 à 15 000 postes de policiers et de gendarmes, je me pose des questions. On paie aujourd’hui les conséquences de cette politique. Nous avons besoin d’une police bien formée et qui connaît bien la ville et les quartiers dans lesquels elle intervient. À Montataire, nous avions un commissariat de police. Il a été fermé. Les policiers qui y travaillaient connaissaient les jeunes. Cette connaissance sert énormément pour la prévention.
- Il faut donc augmenter les effectifs policiers ? En 1998, dans l’agglomération creilloise, il y avait 198 policiers au commissariat de Creil dont dépend Montataire. Il y avait aussi trois bureaux de police à Montataire, dans les quartiers de Creil et à Nogent-sur-Oise. À cette époque, nous avons signé un contrat local de sécurité avec l’État, l’État qui ne s’est pas engagé sur l’augmentation des effectifs. Nous militions alors pour que Villers-Saint-Pol, qui était en zone de gendarmerie, intègre la zone policière. Le commissaire était d’accord à condition qu’on lui accorde 15 policiers supplémentaires. Il n’en a eu que cinq. L’an dernier, ce même commissariat de Creil comptait un effectif de 120 policiers. Donc, on passe de 198 policiers pour trois communes en 1998 à 120 pour quatre communes 22 ans plus tard ! Mais il faut aussi une police mieux formée. La formation est très dégradée. On envoie dans les quartiers de jeunes policiers qui sortent de l’école de police et qui ont peur. Cette peur peut aboutir à des situations catastrophiques.
- Les policiers reprochent de retrouver très vite les délinquants qu’ils arrêtent. Je peux vous raconter le cas que nous venons de vivre à Montataire. Il y a quelques jours, quatre mineurs ont lancé des mortiers et des feux d’artifice sur un lycée. La police les a rapidement identifiés et interpellés. Ils ont été présentés devant le juge et mis en examen. Il serait judicieux qu’ils passent en jugement vers septembre, aux alentours de la rentrée, et qu’ils soient punis. Or, on m’explique que compte tenu de l’encombrement du tribunal pour enfants, à Senlis, il est possible qu’ils ne passent pas en jugement avant un an et demi, voire deux ans. À quoi cela va-t-il servir ? Je ne veux pas dire qu’il faut une justice expéditive. Il faut prendre le temps nécessaire. Mais il faut aussi, dans le cas que je cite, une peine intelligente et éducative, qui soit une vraie sanction, dans des délais raisonnables. Une peine qui les amène à réfléchir à ce qu’ils ont fait.
Manifestation des policiers. Fabien Roussel s’explique sur sa participation Dans une interview qu’il a accordée à La Marseillaise, à la veille du rassemblement des policiers, le secrétaire national du PCF explique défendre une éthique de la sécurité, « une sécurité qui ne soit pas vendue aux privés comme c’est prévu dans la loi votée récemment à l’Assemblée nationale. Quand nous exigeons une politique de sécurité avec plus de moyens pour la police, nous réclamons en même temps plus de moyens pour les politiques publiques dans les quartiers, pour les écoles, pour la culture, pour le sport. Il faut réintroduire la République dans les quartiers ». S’agissant de la présence du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, au sein de la manifestation, Fabien Roussel rappelle que ce dernier « a refusé d’augmenter le point d’indice des forces de sécurité et des fonctionnaires ». Enfin, sur la question des violences policières, il souligne les avoir dénoncées en d’autres occasions. Et il précise la nécessité de « mettre en avant le besoin de formation d’une part et, d’autre part, la responsabilité de la hiérarchie dans les instructions qu’elle donne, dans la politique de maintien de l’ordre. Nous n’avons jamais parlé de violences policières de manière généralisée mais en pointant la responsabilité de la doctrine de maintien de l’ordre de la France, qui doit être changée, et la responsabilité de la hiérarchie qui banalise parfois les violences, voire des actes racistes ».