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Nouvelles questions autour du canal Seine-Nord Europe

« Il faut savoir construire de nouveaux réseaux »

Entretien avec Bertrand Péricaud

Publié le 23 avril 2021 à 13:02

Alors que les travaux pour le creusement du canal Seine-Nord Europe (107 kilomètres entre Compiègne et Aubencheul-au-Bac) devraient débuter en septembre, de nouvelles polémiques se font jour. Ex-président de la commission économique du conseil régional, Bertrand Péricaud nous apporte son éclairage sur la nécessité de ce projet structurant.

  • Ce qui faisait figure de serpent de mer depuis des décennies, le canal Seine-Nord Europe, est en train de prendre réalité avec le feu vert donné par la préfète de l’Oise. Est-il possible de parler de « remise à plat » aujourd’hui ? On ne peut pas remettre ce projet en cause ! Les travaux vont commencer en septembre. Tout ce qui relève de l’aspect juridique a été acté. Franchement, d’un point de vue juridique, il me semble quasiment impossible de remettre la réalisation du canal en question. Les appels d’offres sont aboutis. Et comme vous le dites, Madame la Préfete de l’Oise a signé, début avril, l’autorisation environnementale. Elle a pris un arrêté autorisant le lancement du chantier des 18 premiers kilomètres entre Compiègne et Passel. Ce canal à grand gabarit est une chance pour la région Hauts-de-France et pour nos départements du Pas-de-Calais et du Nord.
  • Le projet a beaucoup traîné et il a de toute façon été redimensionné. Ce que l’on peut effectivement regretter, c’est le retard qui a été pris. On voit aujourd’hui l’aboutissement d’une très longue aventure à la fois sur le plan du financement et sur celui de sa conception. Par exemple, il était prévu au départ de construire dix plateformes multimodales. Cette ambition a été ramenée à quatre plateformes. Avant que le projet prenne quatre à cinq années de retard supplémentaires, le dernier mandat de Daniel Percheron à la tête de la Région, de 2012 à 2015, a été décisif. Le point d’étape important date de 2013. Les élus communistes du conseil régional Nord-Pas-de-Calais (à l’époque) et des deux Départements ont défendu le projet Seine-Nord dès le début parce qu’il sera très utile pour le territoire et les populations.
  • Et à l’heure où surgissent de nouvelles polémiques, les communistes sont prêts à défendre Seine-Nord ? Bien-sûr. La sénatrice du Pas-de-Calais Cathy Apourceau-Poly vient de signer un communiqué avec les conseillers départementaux du Nord Maryline Lucas et Charles Beauchamp pour dire leur attachement à la réalisation rapide du canal. Nous y voyons une triple chance : économique, sociale et environnementale. Le canal renforcera la vocation logistique de nos deux départements avec la plateforme multimodale Delta 3, à Dourges, Lauwin-Planque et les multiples plateformes qui naissent dans l’Arrageois ou le Douaisis, près de l’autoroute A1. Sur le plan social, environ 10 000 emplois [1] seront créés pour les travaux qui sont prévus sur huit ans. Il y a ensuite 30 000 emplois à la clé une fois le canal construit. Concernant l’environnement, le canal devrait permettre de désengorger l’autoroute A1.
  • Justement, parmi les détracteurs de Seine-Nord, il se dit que cette infrastructure fluviale est moins bonne pour l’environnement que la voie ferrée. Sauf que la voie ferrée n’est pas conçue pour ce type de trafic. Ensuite, les barges qui emprunteront le canal Seine-Nord mesureront jusqu’à 185 mètres de long pour une largeur de 11 mètres. Elles pourront transporter jusqu’à 4 400 tonnes, soit l’équivalent de 220 camions. Tout ce qui peut retirer des camions de l’autoroute A1 est bon. Les avantages que rapportera le canal l’emportent largement sur les inconvénients. Mais vous savez, les détracteurs de ce projet sont les mêmes que ceux qui s’opposent à d’autres projets structurants comme le Réseau Express Grand Lille (REGL) prévu pour relier l’agglomération de Lille au Bassin minier. Ce réseau express régional a lui aussi pris du retard et va être lui aussi redimensionné (il irait jusqu’à Arras, voire Amiens). Ses opposants disent qu’il n’y a pas besoin de construire une nouvelle ligne et qu’il suffit d’utiliser le réseau ferré existant. Or, le réseau existant n’est pas adapté aux besoins. Les flux ont changé. Depuis la fermeture des mines de charbon, ces flux sont devenus Sud-Nord, entre le Bassin minier et la métropole lilloise. Il faut savoir construire de nouveaux réseaux. On pourrait aussi parler de la mise à deux fois trois voies de l’autoroute A25. Et la Région avait obtenu, dans le cadre du contrat de plan État-Région, une étude pour le contournement sud de la métropole. Autant de projets qui permettraient de désengorger le réseau autoroutier et de soulager la circulation en facilitant l’accès à la métropole.
Propos recueillis par Philippe ALLIENNE

Notes :

[1Dont 4 500 à 6 000 emplois directs (ndlr).