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Dysfonctionnements du TER Hauts-de-France

« Interrompre les paiements à la SNCF, c’est étrangler le service public sans régler le problème de fond » 

Publié le 30 décembre 2021 à 20:46

Les usagers du TER, dans les Hauts-de-France, vivent particulièrement mal les désagréments causés par la dégradation du service. Retards ou suppressions de trains sont devenus leur lot presque quotidien. Depuis septembre, le nombre de suppressions a été multiplié par trois par rapport à ce qui est habituellement constaté sur le réseau TER. En réponse, l’exécutif du conseil régional, compétent sur les TER, a décidé d’interrompre les paiements à la SNCF. Une mesure inadaptée pour les élus de la Gauche républicaine et écologique. Les explications d’Héloïse Dhalluin, conseillère régionale.

  • En tant qu’élue communiste, vous suivez le dossier transports depuis longtemps. Vous n’êtes pas satisfaite de l’attitude de l’exécutif régional face à la SNCF. Pourquoi ? Interrompre les paiements, c’est étrangler un peu plus le service public sans rien arranger au problème de fond. Comme notre groupe au conseil régional l’a exprimé, cela nous apparaît clairement comme un coup de menton, ou comme une diversion. C’est une façon, pour l’exécutif, de se dédouaner de ses responsabilités.
  • Que demandez-vous ? Nous voulons pouvoir entendre la direction de la SNCF en séance du conseil régional, avec un vrai débat contradictoire. La SNCF a annoncé un plan d’urgence, mais ce plan, à peine mis en œuvre, était de tout façon voué à l’échec. Les recrutements sont stoppés depuis deux ans. Les cheminots nous alertent sans cesse sur le manque d’effectifs dans les ateliers de maintenance, sur le manque de conducteurs, de contrôleurs, de matériel roulant. Or, pour tenter de régler les problèmes de retards et les dysfonctionnements du service TER, la SNCF recrute des intérimaires à la hâte. On sait pourtant que les métiers du rail exigent un haut niveau de formation et des mois de qualification.
  • Vous dites aussi que la SNCF n’est pas seule en cause. C’est vrai. Dès 2019, il y a plus de deux ans, le président de la Région, Xavier Bertrand, et son vice-président en charge des transports, Franck Dhersin, avaient été avisés que le service annuel n’était pas réalisable et que celui-ci oublierait très largement la desserte fine du territoire et créerait de nombreuses ruptures de charge. L’exécutif régional savait dès lors qu’il y avait des risques de rupture dans les technicentres de la SNCF et qu’il y aurait un manque de souplesse, qu’il manquerait de personnel et de matériel. La SNCF avait présenté un plan stratégique qui recélait déjà ces risques. La Région a accepté quand même. Elle a donc sa part de responsabilité.
  • Où en est-on à présent ? Nous avons demandé l’audition de la SNCF par les élus du conseil régional le 18 novembre. Nous l’avons fait par le biais d’une motion qui a été rejetée. Cette motion, dont je suis rédactrice, rappelait que nous avons interpellé à trois reprises l’exécutif régional, à travers deux communiqués et une lettre. Le premier communiqué portait sur les guichets des gares de Douai, Valenciennes, Béthune, Lens, Calais-Ville, Calais-Frethun, Dunkerque et Boulogne-sur-Mer. Toutes sont concernées par le projet de réduction de l’amplitude horaire. Le 26 octobre, nous avons adressé le second communiqué pour proposer à l’exécutif d’auditionner la SNCF lors de la commission transport ou en séance plénière. Nous avons aussi adressé une lettre qui n’a pas reçu de réponse. Dans notre motion du 18 novembre, nous avons réitéré notre demande d’audition de la SNCF en séance plénière. Nous voulons établir un diagnostic partagé et trouver des solutions dans l’intérêt des habitants de notre région. Cette motion a été rejetée.
  • Ce jour-là, une pétition a également été remise. Oui. Elle a été remise par les cheminots de la CGT que les élus de gauche soutiennent. Franck Dhersin est venu à leur rencontre et il a même signé lui-même cette pétition ! Elle compte plus de 27 000 signatures d’usagers réfractaires au projet de réduction de l’amplitude horaire des huit gares que je viens de citer. Parmi ces signatures, il y a celle de Franck Dhersin !
  • Mais votre demande d’audition n’est toujours pas acceptée ? Non. Le 8 décembre, notre groupe a déposé une seconde motion. Nous sommes partis du fait que le conseil régional et la SNCF ont participé à une réunion de crise le 3 décembre et que les élus de notre groupe n’ont pas été conviés. Nous soulignons dans ce texte que les usagers du TER et les habitants de notre région ont droit à la transparence. Leurs représentants doivent pouvoir interroger l’opérateur public et l’exécutif régional sur les dysfonctionnements. Nous avons réitéré notre demande d’audition. Mais là encore, notre motion a été rejetée. Rien n’a été fait pour empêcher la déshumanisation des gares, rien n’a été fait pour stopper la précarité de l’emploi pour que les cheminots puissent produire un service public de qualité. Il est grand temps que le conseil régional, en tant qu’autorité organisatrice de transports, interpelle le gouvernement afin de proposer un véritable plan de mobilité, financé, et à la hauteur des enjeux de transports et d’écologie dans l’intérêt des habitants.

Propos recueillis par Philippe ALLIENNE