Nord

Karine Trottein veut rendre « plus audible » le Parti communiste

par Mathieu Hébert
Publié le 6 décembre 2018 à 00:00 Mise à jour le 18 décembre 2018

Karine Trottein, 47 ans, vient d’être élue secrétaire de la fédération du PCF Nord. L’Hellemmoise succède à Fabien Roussel, récemment élu secrétaire national. Entretien.

D’où vient votre engagement communiste ?

Mon cheminement date d’avant. Mais c’est la politique ultra libérale de Nicolas Sarkozy qui m’a décidée, en 2008. Les fractures existaient déjà dans la société, mais Nicolas Sarkozy les a aggravées. Je considère qu’on ne peut pas râler et ne rien faire. Je me suis donc engagée.

On n’a pas tous les mêmes raisons qui nous poussent à prendre une carte au PCF. Mais on partage un même cheminement. Le déclencheur, ce peut être des lectures, des rencontres. Pour ce qui me concerne, c’est ma proximité avec des militants de la section d’Hellemmes.

Je n’ai jamais envisagé adhérer dans un autre parti, ni au PS, à cause de ses renoncements depuis 1981, ni dans d’autres mouvements. Il faut savoir présenter un projet : on ne peut pas être systématiquement dans l’opposition. Etre « contre » quelque chose, ça ne suffit pas. Quand le PCF se place dans l’opposition à quelque chose, il se place aussi dans une démarche de proposition. Il s’agit de propositions crédibles.

On renvoie souvent le PCF à l’URSS, aux goulags etc. Vous y avez eu droit ?

Très souvent. Nous, au PCF, nous souhaitons une société communiste qui n’est pas ce qui existait dans les pays dits socialistes à l’époque de l’URSS, qui ont été un échec.

Comme vous, d’autres nouveaux visages incarnent le renouveau du PCF...

C’est vrai. J’ai pourtant l’impression que peu de quadragénaires s’engagent. Comme s’il y avait un décalage avec la génération suivante. Nous qui sommes nés dans les années 1970 avons bénéficié d’une protection sociale relative ; on a pu finir nos études et trouver un emploi. La génération qui suit éprouve plus de problèmes. Même si elle souffre d’une absence de perspectives, la jeunesse actuelle est beaucoup plus conscientisée politiquement.

Comment envisagez-vous votre rôle ?

Des responsabilités partagées et de la transversalité. Prendre la suite de Fabien Roussel n’est pas simple. Il a eu un parcours long au sein du PCF, comme attaché parlementaire et par ailleurs. Moi, je viens du privé, et n’ai pas ce parcours. Je compte sur l’union de tous pour rendre le parti communiste plus audible.

Karine Trottein, le 29 novembre à Hellemmes

Notre feuille de route, de ce point de vue, est complète. Il n’y a pas de lutte plus importante qu’une autre : discriminations, formation, paix et relations internationales, culture... Comme ces sujets sont liés les uns aux autres, je compte également permettre à chacun de jouer sa partition.

Quelles seront les premières campagnes du parti ?

On le voit avec le mouvement des gilets jaunes : nos propositions sur le pouvoir d’achat sont tout à fait en phase avec ce que demandent les citoyens. Les revendications qui se dessinent portent notamment sur l’exigence d’une meilleure équité. C’est ce que nous mettons en avant en dénonçant les cadeaux fiscaux faits eux plus riches, comme la suppression de l’Impôt sur la fortune (ISF) ou le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Aujourd’hui, non seulement les précaires, mais les ménages moyens peinent à s’en sortir. Je m’attacherai à faire le lien entre les sections pour continuer à travailler sur ces questions.

D’autres combats ?

C’est un combat engagé de longue date dans la métropole lilloise : la gratuité des transports publics...

C’est déjà le cas dans le Dunkerquois. La maire de Calais, vient de déclarer son intention de le mettre en œuvre dans son agglomération... A Lille, on y vient ?

J’observe que, comme dans d’autres domaines, les communistes sont précurseurs. On peut agir étape par étape, pas forcément en balayant tout d’un coup. Ce sujet le montre.

Quelles connexions établir avec les revendications actuelles sur le pouvoir d’achat ?

C’est le cas avec les gilets jaunes comme le mouvement Nuit debout avant lui : les difficultés des ménages permettent de comprendre que les choses ne se passent pas comme elles le devraient. Globalement, il y a un rejet du politique. (...) Cela rejoint ce que je disais précédemment : lorsque j’ai réfléchi à mon engagement, à la forme qu’il devait prendre, j’ai pensé à l’action associative et à l’action syndicale. C’est du concret, c’est vrai. Mais pour changer les choses, c’est bien au niveau politique que ça se passe, que ça se décide, que ça se vote... Les décisions sont bien prises par des personnes qui font des choix.

Comment envisagez-vous la suite du mouvement des gilets jaunes ?

J’observe que le week-end dernier, on a plus parlé des violences à Paris que des revendications. Mais je suis une optimiste de nature. J’espère de réelles réformes de la part du gouvernement ce mois-ci. Le mouvement tiendra-t-il ? Si le gouvernement ne réagit pas, il s’étendra, sans doute dans une forme plus radicale.

REPÈRES

Comme Annick Mattighello avant elle, seule femme à la tête de la fédé du Nord du PCF, Karine Trottein vient du monde du travail. A 47 ans, dont 27 comme employée dans la grande distribution, elle est élue au conseil communal d’Hellemmes depuis 2014. En septembre dernier, les communistes d’Hellemmes l’avaient choisie pour succéder à Roger Maly à la tête de la section locale du parti. Une citation de Marx résume l’état d’esprit de cette battante : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde. Il s’agit maintenant de le transformer ». « Chiche ! Transformons-le ! Cet autre monde, il s’agit de le construire ensemble », confiait-elle en 2017, alors candidate suppléante aux élections législatives.

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