Entretien avec Fabien Roussel

« L’espoir de changer le système et d’en bâtir un nouveau avec les citoyens »

Centenaire du PCF

par Philippe Allienne
Publié le 4 décembre 2020 à 13:02

Dans un contexte contrarié par la pandémie de Covid-19, le Parti communiste français fêtera officiellement son centenaire mi-décembre. Les expositions et autres manifestations publiques sont reportées. Le secrétaire national, Fabien Roussel, nous explique le sens et l’importance de cet anniversaire.

Quel sens faut-il donner à cet anniversaire ?

D’abord, un parti politique, en France, qui fête ses 100 ans, il n’y en a pas beaucoup. L’histoire du Parti communiste français, qui a participé à l’Histoire de France, mérite d’être valorisée. Fêter ce centenaire, c’est une manière de souligner l’importance que peuvent jouer les partis politiques dans la vie d’un pays et pour le mouvement ouvrier. L’histoire du Parti est intimement liée aux conquêtes sociales de notre pays. Je pense à 1936, à la Résistance et à la Libération, à la reconstruction de la France en 1945 avec le programme des Jours heureux. Je pense aussi à des personnages comme Ambroise Croizat, Maurice Thorez ou Fernand Grenier dont on parle peu alors que c’est lui qui inscrit dans la loi le droit de vote des femmes en 1944. Les grandes conquêtes sociales, ce sont aussi celles de 1968, celles de 1981 avec l’apport du PCF dans la victoire de Mitterrand et notre participation au gouvernement. Ce sont aussi les grandes nationalisations, la hausse du Smic. C’est encore 2005 qui n’est pas une conquête sociale mais la victoire du peuple contre un traité constitutionnel, victoire sur laquelle se sont ensuite assis Nicolas Sarkozy et François Hollande. À chaque fois, le Parti communiste a été un acteur majeur de ces victoires quand il n’en est pas à l’origine.

Et il y a l’internationalisme du parti.

L’histoire du PCF est intimement liée à des combats internationaux pour la libération des peuples : les Brigades internationales en Espagne, le combat contre la guerre d’Algérie et pour le respect des peuples d’Afrique du Nord, le combat contre l’apartheid en Afrique du Sud ou pour la paix au Vietnam. Je pourrais citer aussi le Chili et tant d’autres.

Quel discours cet événement peut-il porter aux jeunes ?

Notre but n’est pas de fêter les 100 ans du PCF entre militants. Il s’agit de montrer qu’il n’y a pas de conquête sociale sans l’implication majeure de chaque citoyen, sans que chacun s’en mêle. On ne peut pas déléguer la justice sociale et le progrès social à d’autres. C’est précisément tout le rôle qu’a pu jouer le Parti communiste français en étant moteur des grandes luttes qui ont permis ces conquêtes. C’est cela qu’il faut faire partager à la jeunesse, au monde du travail, aux salariés qui sont aujourd’hui emportés par la colère de ce qu’ils vivent mais qui, pour certains d’entre eux, en restent à la colère. Nous les invitons à agir et à prendre le pouvoir sur la finance et faire en sorte que la production des richesses soit mise au service de tous et pas captée par une minorité.

Les jeunes sont aujourd’hui préoccupés par leurs conditions de vie et leur avenir. Quel message leur délivrez-vous ?

Déjà frappée par la pauvreté, la jeunesse l’est encore plus en raison de la pandémie de coronavirus. Le gouvernement fait le choix de ne pas apporter de réponse hormis les 150 euros « one shot » qui ont été donnés. C’est un pur scandale, c’est une honte pour notre pays. Les jeunes sont confrontés à un quotidien difficile où ils doivent poursuivre des études, en mode confiné ou semi-confiné, sans savoir comment va se dérouler l’accès au diplôme, avec des charges qui restent à payer et sans avoir la possibilité de travailler. Alors, si j’ai un message à faire passer aux jeunes, c’est de dire que nous, au Parti communiste français, nous portons constamment cette préoccupation auprès du gouvernement, par la voix de nos parlementaires, pour demander une allocation mensuelle tant que cette pandémie est présente et faire en sorte que les jeunes sortis de l’école et qui ont moins de 25 ans et sont sans travail, aient également accès à une allocation mensuelle.

C’est quoi, faire de la politique aujourd’hui ?

Faire de la politique aujourd’hui, ce n’est pas venir avec de grands discours, c’est partir des problèmes des gens et leur apporter une réponse immédiate. Nous voulons poser les questions qui les touchent et y répondre. Cela concerne les jeunes, les étudiants, les salariés en chômage partiel avec 16 % de leur salaire en moins, les chômeurs, les ouvriers qui voient leur usine fermer comme à Bridgestone, les infirmières épuisées par cette seconde vague mais qui demeurent mobilisées à l’hôpital, les aides à domicile payées au lance-pierre, etc. Il faut parler de leur colère et porter leur colère qui est en train de monter d’une manière dangereuse.

Comment répondre à cette colère et à ceux qui s’interrogent sans, justement, trouver de vraies réponses ?

Cette colère monte parce que le monde du travail a le sentiment de payer fortement cette crise et de manière injuste. Nous l’entendons. Nombreux sont celles et ceux qui vont l’exprimer par l’individualisme, le repli sur soi ou par l’abstention aux élections. Au Parti communiste français, nous avons le devoir de nous adresser à eux pour leur dire qu’il est possible de reprendre le pouvoir sur nos vies. Nous disons qu’il est possible de répondre à l’urgence sociale et à l’urgence écologique. Mais cela ne peut se faire qu’avec beaucoup de démocratie, et en reprenant le pouvoir sur la finance et sur l’argent. Il ne suffit pas de dire que l’ennemi c’est la finance. La finance ce sont des noms, des actionnaires, des banques, des multinationales. Il faut leur reprendre le pouvoir. Cela passera par l’engagement des citoyens, des salariés, des syndicats, des associations. Reprendre le pouvoir sur les banques et sur les multinationales entend que chacun exerce ce pouvoir. C’est aussi donner des droits nouveaux aux salariés dans les entreprises, c’est créer de nouvelles institutions bancaires qui nous permettent d’avoir ce pouvoir sur l’argent qui doit servir à relocaliser l’industrie au lieu de laisser les fonds de pension gérer les multinationales. J’ai en moi l’espoir que nous puissions changer ce système et en bâtir un nouveau avec les citoyens pour prendre le pouvoir sur l’argent. Que le monde du travail ait la possibilité de faire des choix pour notre vie collective.