En mars 2020, l’épidémie de Covid mettait un terme à la mobilisation des collectifs inter-hôpitaux et des syndicats qui réclamaient l’arrêt des fermetures de lits. Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des Médecins Urgentistes de France le répétait : « on a fermé 100 000 lits en vingt ans ». Il dénonçait une spirale infernale. La dégradation de la qualité des soins vide de sens la vocation des soignants qui démissionnent. Les compressions d’effectifs détériorent les conditions de travail. La fermeture de lits entretient les démissions. À l’issue du premier confinement, Emmanuel Macron revenait sur la réforme du système de santé engagée en 2018. Il admettait avoir « sans doute fait une erreur dans la stratégie annoncée » car elle ne « portait pas assez de sens » et avait une « ampleur » et un rapport au temps « pas du tout suffisants compte tenu de l’état où était l’hôpital ».Il affirmait néanmoins ne pas avoir « envie non plus qu’on revienne à l’étape d’avant ». Durant la deuxième vague de covid-19, le chef de l’État annonçait des « renforts supplémentaires » pour porter le nombre de « lits armés » en réanimation de 7665 à 10 000. Mais « du 1er janvier au 31 mars 2021, en pleine pandémie, nous sommes parvenus à objectiver 1800 suppressions ou fermetures de lits », selon le secrétaire général de FO-Santé Didier Birig, qui dénonçait l’absence « de changement de paradigme comme promis par Emmanuel Macron ». Les syndicats réitéraient leur demande que le gouvernement « rompe avec une approche essentiellement financière pour regarder les besoins de la population ».
Des lits en fonction des besoins
Une étude de la Drees [1] établit qu’alors que l’épidémie de Covid-19 faisait des ravages dans l’Hexagone, 4 900 lits étaient supprimés en 2020. Et « les hôpitaux français ont encore perdu 4 300 lits en 2021 ». Ces fermetures se sont notamment opérées dans les services de soins critiques et de réanimation où les services comptabilisent 5976 lits fin 2021. Interrogé par l’Agence France-Presse, le ministère de la Santé indiquait que le Ségur prévoyait la possibilité d’ouvrir ou de rouvrir « 4 000 lits en fonction des besoins ». Une enveloppe de « 50 millions d’euros » est mise à disposition des agences régionales de santé « chaque année » pour « financer des lits lors des épisodes de pics d’activité saisonniers ».21 000 lits ont été fermés dans les hôpitaux français durant le premier mandat d’Emmanuel Macron. 11 000 de plus que sous le quinquennat de François Hollande. Un constat alarmant pour les soignants dont « l’attractivité des métiers dépend fortement des conditions de travail », selon Yves Veyrier, secrétaire général de Force Ouvrière. « La première phase du Ségur sur les salaires et les carrières a permis des avancées qui ne sont pas à la marge pour les agents ». Mais la question du nombre de lits impacte les conditions de travail. Les initiatives se multiplient pour décrire le malaise des équipes. Le personnel de l’hôpital de Montreuil en Seine Saint Denis, a récemment mis en ligne un clip, présenté comme « un cri d’alerte pour dire stop ! On n’en peut plus ! ». Pourtant, le métier attire : la formation d’infirmière est la première demandée sur Parcoursup. Depuis 2020, près de 10 % des bacheliers choisissent cette filière. Mais Thierry Amourroux, porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers avançait en février 2020 que près d’un tiers des nouveaux diplômés abandonnaient dans les cinq ans. Les infirmiers eux-mêmes admettent que la crise sanitaire a largement aggravé la situation. Les professionnels épuisés physiquement et moralement rendent leurs blouses. En 2019, sur 700 000 postes infirmiers, 10 000 étaient vacants. Aujourd’hui, 60 000 ne sont pas pourvus, soit six fois plus.
Une crise de recrutement qui justifie les réformes ?
La crise de recrutement permet d’accélérer le déploiement de la médecine ambulatoire inscrite au programme de la réforme du système de santé depuis plus de dix ans.Un rapport de la Drees confirme que « l’organisation de l’offre de soins évolue vers une hausse importante du nombre de places d’hospitalisation partielle et d’hospitalisation à domicile, en regard d’une diminution continue des capacités d’hospitalisation complète ». Les plateaux techniques se concentrent en milieu urbain. Pour lutter contre les inégalités territoriales d’accès aux soins, les hébergements temporaires non médicalisés expérimentés depuis trois ans dans 41 établissements pilotes devraient être généralisés. Ce dispositif a fait l’objet d’un amendement proposé par Olivier Véran, alors député socialiste de l’Isère et rapporteur du Projet de Loi de Financement de Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2015. Il s’agissait de « réduire un certain nombre d’hospitalisations inutiles ». Devenu député LREM et rapporteur général du budget de la sécurité sociale, Olivier Véran, jugeant en 2019 que le processus était trop lent, déposait un amendement au PLFSS 2020 « pour lui donner un coup de boost ». La proposition a été entérinée dans le Ségur de la Santé ayant pour objectif la modernisation du système de santé frappé par la pandémie de Covid. De nouvelles maladies apparaissent, en lien avec la pollution, les bouleversements climatiques, ou le vieillissement de la population. Nul n’est capable de prédire quels seront les besoins de santé dans les décennies à venir. Ne faut-il pas revoir la feuille de route de la politique de santé ? La garantie d’accès à des soins de proximité et de qualité dans tous les territoires ne nécessite-t-elle pas plutôt un investissement massif dans l’équipement d’établissements publics et dans la formation des soignants de demain ?