Trois ans après la mise en place de la plate-forme Parcoursup

L’orientation reste compliquée

par Marc DE LANGIE
Publié le 22 mars 2021 à 12:39

Vœu simple, vœux multiples, vœux pour la fac, vœux pour les écoles, vœux pour des formations sélectives : les lycéens ont eu jusqu’au 11 mars pour formuler leurs vœux sur le site de Parcoursup. Avec plus ou moins de facilité.

Si tout paraît simple aux yeux de l’administration, « c’est très compliqué » explique Camille Audessat, élève de terminale au lycée Pasteur de Lille. « J’ai mis trois semaines pour simplement créer mon dossier. C’est difficile de tout comprendre du premier coup et c’est aussi la course compte tenu des délais. » Depuis le 20 janvier, les élèves de terminale et les étudiants qui veulent se réorienter pouvaient formuler leurs vœux sur le site. Toutefois, les communications officielles sont parfois incomplètes. À cela s’ajoute un système de vœux complexe avec des spécificités selon les formations. Sur le site, il existe deux types de formation : les formations non-sélectives (licence) et les formations sélectives (BUT [1], BTS [2], CPGE [3]) et chacune a des spécificités. Pour faire simple, deux demandes de licences en Lettres correspondent à deux vœux. Mais un vœu pour un BUT permet de mettre dix sous-vœux, correspondant à dix établissements. Lorsqu’un lycéen indique un vœu, une liste de « formations similaires » est proposée, ce qui permet au candidat d’entrevoir d’autres filières en lien avec son vœu. Des propositions souvent incomplètes. De plus, si les licences sont considérées comme « non sélectives », certaines deviennent sélectives, notamment pour certaines universités. Le choix des filières « est difficile, poursuit la jeune lycéenne. Il n’y a pas de place dans toutes les filières et on a le sentiment qu’il y a de moins en moins de choix en licence par rapport aux grandes écoles ou classes préparatoires ».

Des lycéens peu accompagnés

Au-delà de ces difficultés, pour faire un vœu qui correspond à ses aspirations, chaque lycéen avait droit (dans le cadre de la réforme de 2018 et le transfert aux Régions de l’information à l’orientation) à 54 heures par année pour l’orientation. « Le seul accompagnement que j’ai eu, c’est une demi-heure d’explications de la part du professeur principal pour nous faire connaître la démarche à suivre sur le site de Parcoursup, la rédaction du CV et de la lettre de motivation » relate Camille. Un manque important pour les lycéens car « ceux dont les parents ne peuvent pas assurer de soutien ou de suivi sont désavantagés ». Par ailleurs, cette lycéenne confie qu’elle s’y est prise à trois reprises pour obtenir un rendez-vous avec son professeur principal sur son orientation. Manque de temps certes, mais la situation actuelle liée à la Covid « avec des cours en présentiel et en virtuel, depuis déjà plus de quatre mois » n’a pas simplifié les rencontres. « Cela a une forte incidence sur notre scolarité, un stress supplémentaire surtout en année de terminale. » Outre l’enregistrement sur la plate-forme, cette année les lycéens doivent ajouter un CV ainsi qu’une lettre de motivation. « Une nouveauté qui ne fait pas l’unanimité » souligne Léon Deffontaines, secrétaire général du Mouvement des jeunes communistes de France. « Cela ressemble davantage à une sélection sociale pour entrer à l’université. Une originalité qui s’avère peu favorable pour les élèves qui viennent de familles moins favorisées. » Ce que confirme Camille Audessat, qui, de son côté, dit avoir pu compter sur ses parents pour le suivi. « Mais tous ne sont pas dans mon cas. De nombreux élèves n’ont pas cette aide et se retrouvent désavantagés. » Et par exemple, pouvoir « joindre une lettre de recommandation de la part d’un enseignant constitue un atout. Pour un élève qui veut s’inscrire en droit, une lettre d’appui de la part d’un avocat, proche de la famille, sera certainement un avantage par rapport à un autre lycéen qui n’a pas les mêmes ressources autour de lui ».

Vers une sélection sociale accrue

Quant à la rédaction du CV, elle paraît loin d’être anodine. Certes, il s’agit du parcours scolaire de l’élève. Mais Camille de préciser « celui qui indiquera être allé aux portes ouvertes d’une école ou d’un établissement d’enseignement supérieur, qui mentionnera les noms des enseignants avec lesquels il s’est entretenu, verra sa demande mieux prise en considération ». De même, la participation d’un élève à des clubs sportifs, de loisirs, ou ayant pris des engagements associatifs valorise. « On peut se demander si ces détails ne priment pas dans la sélection par rapport au dossier scolaire » s’inquiète Camille Audessat. Et pour compléter ce tableau, il faut tenir compte du fait que les épreuves du baccalauréat sont annulées cette année et le contrôle continu fera foi. « Une situation dramatique » dénonce Léon Deffontaines. « Cela met les élèves dans des situations plus difficiles. Le bac perd sa valeur nationale. On aura des bacs locaux ce qui empêche toute comparaison, toute contestation. La valeur sera fonction des lycées. » Des disparités vont apparaître entre les établissements scolaires de la région. « D’ailleurs, le palmarès des lycées publié dans les quotidiens régionaux viendra accentuer les inégalités. On se dirige vers des lycées à deux vitesses. Avec les mesures mises en place avec la Covid et le suivi scolaire irrégulier cette année, les différences seront plus flagrantes. » L’année scolaire 2020-21 aura été très différente en raison des mesures sanitaires et « la réforme du bac voulue par Jean- Michel Blanquer se met en place et évite toute contestation ». À court et moyen terme, le secrétaire général pressent que « dès le collège, bon nombre de parents vont réfléchir au choix du lycée de leurs enfants, de façon à leur donner plus de chances pour leur parcours étudiant. Encore là, les enfants des catégories supérieures auront plus de facilité pour fréquenter un établissement mieux coté par rapport aux autres qui n’auront pas le choix ». Pour les élèves qui ne pourront pas fréquenter ce type d’établissements « cela se traduit par une inégalité d’accès aux études supérieures. À nouveau une sélection sociale ».

Notes :

[1Bachelor universitaire de technologie.

[2Brevet de technicien supérieur.

[3Classes préparatoires aux grandes écoles.