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Trêve hivernale

La CNL demande que 2021 soit une « année zéro expulsion »

Publié le 30 avril 2021 à 17:18

Dans un courrier qu’il a adressé au président de la République, le président national de la Confédération nationale du logement, Eddie Jacquemart, lui demande de prolonger la trêve hivernale et de déclarer 2021 «  année zéro expulsion  ».

Voilà maintenant plus d’un an que notre pays traverse une crise sanitaire, économique et sociale d’une envergue inégalée pour notre pays. Un an que les plus fragiles souffrent et subissent de plein fouet les conséquences de cette crise. Un an que nous voyons les indicateurs de pauvreté exploser. Un an que notre organisation, avec d’autres, alerte sur l’urgence de la mise en place de mesures exceptionnelles pour que l’État protège ces millions de personnes, aujourd’hui en situation de vulnérabilité. Un an que vous avez prononcé les mots « quoi qu’il en coûte  ». Face à un virus qui circule activement, et continue malheureusement de tuer, nous avons pu mesurer l’importance d’avoir un logement décent pour se confiner, permettant ainsi à des millions de ménages de se protéger. Cette crise, qui a bousculé les fondements de notre société, a remis au cœur du débat politique la question du logement et, singulièrement, celle d’avoir un toit où se mettre à l’abri.

Conséquences pour des milliers de ménages

Elle est même devenue une question politique majeure au cœur des préoccupations mondiales comme en témoigne le rapport intitulé « l’accès au logement abordable et décent en Europe », adopté en janvier 2021 par le Parlement européen, qui rappelle que « le droit au logement décent et abordable est un droit humain fondamental, opposable en justice, et les États membres doivent en assurer l’accès universel ainsi que la qualité et la salubrité  ». Le logement, au même titre que l’accès à l’eau et à l’électricité, est un bien de première nécessité. Plus largement, pour la Confédération nationale du logement, c’est un enjeu fondamental de la dignité humaine, synonyme d’épanouissement et d’émancipation. Depuis le début de cette pandémie, la Confédération nationale du logement alerte sur les conséquences de cette crise sur des milliers de ménages. Aussi, nous sommes particulièrement inquiets de la possible reprise de expulsions locatives à compter du 1er juin 2021, comme l’a confirmé récemment votre ministre déléguée au Logement, Madame Emmanuelle Wargon. En 2020, nous avions déjà interpellé Monsieur Denormandie, ministre du Logement de l’époque, sur l’impérieuse nécessité de prolonger la trêve hivernale pour éviter que des familles se retrouvent à la rue, les exposant ainsi à une contamination accrue par le virus de la Covid. Monsieur le Président de la République, la crise économique, exceptionnelle, que nous traversons, et qui va durer, va avoir des répercussions durables sur des milliers de ménages. Étant donné notre présence au plus près des habitant·e·s, y compris jusque dans les cages d’escaliers, nous mesurons chaque jour un peu plus le désarroi de milliers de familles et leur inquiétude pour boucler les fins de mois. Nous en voyons déjà les premières traductions avec l’explosion des queues devant les banques alimentaires ou l’augmentation importante de bénéficiaires du RSA.

La santé psychologique : une épidémie dans l’épidémie

Selon l’Insee, parmi les 10 % de ménages les plus modestes, 35 % ont perçu une dégradation de leur situation financière lors du premier confinement et la Banque de France prévoit, elle, un pic du chômage supérieur à 11,5 % mi-2021. Les indicateurs économiques, vous le voyez Monsieur le Président, sont au rouge. À cela s’ajoute un phénomène tout aussi inquiétant, celui de la santé psychologique de notre population. Un récent rapport de Santé publique France précise qu’un tiers de la population souffre d’un état anxieux ou dépressif. C’est une véritable épidémie dans l’épidémie. Aussi, alors que nous savons que de très nombreux ménages, du fait de perte de ressources importantes, sont aujourd’hui en situation de fragilité financière et sont, pour un grand nombre d’entre elles, dans l’incapacité de payer leur loyer, nous considérons qu’il est l’heure d’appliquer le « quoi qu’il en coûte » à destination des locataires mais aussi des accédants à la propriété. N’ajoutons pas à la situation économique et psychologique dramatique, l’angoisse d’une expulsion pour des milliers de ménages. Une expulsion locative n’est pas un simple acte administratif, c’est un drame humain. Une expulsion locative marque un traumatisme irrémédiable. Avec elle commence l’errance urbaine, les familles étant souvent hébergées d’hôtels en hôtels. Des lieux éloignés des centres urbains, obligeant à changer les enfants d’écoles, à modifier ses habitudes de vie. Souvent, et de manière extrêmement rapide, des décisions irrémédiables ont lieu contre le placement des enfants dans des foyers ou, dans le meilleur des cas, des familles d’accueil. Les traumatismes sont immenses et des vies entières peuvent être broyées par une procédure d’expulsion. L’expulsion est une pratique barbare, qui piétine le droit au logement alors même que celui-ci est reconnu par le pacte des droits sociaux des Nations Unies, ratifié par la France.

La guerre contre les expulsions

Monsieur le Président de la République, à période exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Vous avez souvent évoqué, dans vos prises de parole, une rhétorique guerrière. Nous vous demandons aujourd’hui que la guerre soit engagée contre les expulsions. Nous croyons, Monsieur le Président, que dans ces moments particuliers que nous traversons, il n’y a pas de place pour le dogmatisme. C’est l’intérêt général et la protection des plus fragiles qui doivent nous animer collectivement. Aussi, Monsieur le Président de la République, la Confédération nationale vous demande solennellement de prolonger la trêve hivernale jusqu’au mois d’octobre et de déclarer l’année 2021 «  année zéro expulsion ». La France, 6ème puissance économique mondiale, qui vient d’enregistrer quatre nouveaux milliardaires selon le dernier classement du magazine Forbes, ne peut pas se permettre de mettre des gens dehors et de les priver d’un toit, élément fondamental de la dignité humaine. Nous devons, collectivement, anticiper cette situation et agir pour éviter que des milliers de ménages ne se retrouvent engagés dans une procédure d’expulsion. Nous sommes aussi conscients des difficultés que peuvent subir les propriétaires qui ne perçoivent plus les loyers. Mais à la différence des locataires, un fonds d’indemnisation des propriétaires- bailleurs victimes d’impayés a été mis en place par le gouvernement. Nous regrettons que la même chose ne soit pas mise en place pour aider les locataires. La Confédération nationale du logement porte également, depuis de nombreuses années, un projet intitulé « Sécurité sociale du Logement  » qui a pour but d’éviter toutes situations d’expulsion, à la suite d’un accident de la vie, via un fonds de solidarité nationale. Ce projet, qui place au cœur de son dispositif la solidarité nationale, sera bénéfique pour les locataires, les propriétaires et les collectivités locales. Notre organisation se tient à votre disposition pour présenter cette proposition innovante et de nature à répondre aux enjeux de demain. Monsieur le Président de la République, dites non aux expulsions locatives. Protégez les plus fragiles en prolongeant la trêve hivernale jusqu’au 31 octobre ! Monsieur le Président, appliquez le « quoi qu’il en coûte » aux habitantes et aux habitants. Si comme vous l’affirmez « nous sommes en guerre », assurez leur protection et soyez solidaire. Veuillez recevoir, Monsieur le Président de la République, l’expression de nos salutations distinguées.

Eddie JACQUEMART, Président national CNL