Point de vue

La France d’Après, une machine à cash…

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 29 janvier 2021 à 11:21

Chaque année, fin janvier, Macron invite le gotha planétaire du business à un grand raout intitulé « Choose France [1] ». Une opération séduction jupitérienne de grande ampleur organisée dans la galerie des glaces du château de Versailles, dont le but déclaré est d’inciter les grandes entreprises à s’installer ou à investir dans notre pays. Pour cause de pandémie, le rendez-vous versaillais a été reporté à l’été et remplacé par une visioconférence. « Nous devons avoir une vision pour les décennies à venir, préparer notre société pour les années à venir » a annoncé le président à l’aréopage de grands patrons avant de détailler son programme. « Nous n’allons pas et nous ne pouvons pas ralentir les réformes (…). Le taux d’impôts sur les sociétés sera abaissé pour atteindre 25 % l’année prochaine (contre 30 % aujourd’hui, ndlr) (…). Nous n’allons pas non plus revenir sur la suppression de l’impôt sur la fortune. Nous baissons également les taxes sur la production d’environ 10 milliards d’euros par an, ce qui est tout à fait sans précédent. La loi ASAP nous permet de rendre plus facile l’installation de nouveaux sites industriels ou des extensions (moins de contraintes écologiques, ndlr). Nous voulons aussi mieux former les salariés (…). » Lundi, le président n’a pas promu ou défendu la France, il l’a vendue. À aucun moment il n’a fait part d’attentes ou de contreparties de la part de ces investisseurs potentiels. D’ailleurs, était-ce nécessaire ? Les récentes affaires du fabricant de pneumatiques Bridgestone de Béthune et de Ford automobiles France de Blanquefort en Gironde qui ont licencié respectivement 863 et 850 salariés, n’étaient-elles pas là pour rappeler à ce parterre numérique qu’en France, on peut licencier même en réalisant des bénéfices ? Une réalité dont Manuel Valls, père de la loi Travail, s’était vanté en son temps. À Versailles, en annonçant des mesures fiscales toujours plus favorables au capital et une plus grande adaptabilité et soumission du monde du travail à ses objectifs, le président a dressé le tableau de la « France d’Après » devenue une machine à cash dont les salariés seront les instruments. Pour ses interlocuteurs ravis, il est crédible. La France est devenue le pays le plus performant en termes de versements de dividendes aux actionnaires. Selon la dernière enquête de l’ONG britannique Oxfam, le niveau de richesse des 43 milliardaires de notre pays a augmenté de 175 milliards d’euros depuis le début de la crise sanitaire. En revanche, le nombre de pauvres a bondi de 3 millions en France. Mais la Covid-19 n’est qu’un élément aggravant du phénomène. Le taux de pauvreté n’a jamais cessé d’augmenter. Il est passé de 7 % à 8,2 % entre 2004 et 2019, soit bien avant la pandémie. Le mythe du ruissellement des richesses du haut vers le bas a fait long feu. Seules les inégalités ruissellent à flots. Derrière ces chiffres, il y a des vies. L’insécurité sociale, l’insécurité sanitaire, deviennent prégnantes. La crainte du lendemain, la perte de confiance dans les institutions et dans le pouvoir actuel et le désir d’échapper coûte que coûte à un sort qui semble fixé d’avance, forment un cocktail explosif. Il se traduit par une nouvelle poussée de l’extrême droite. Un sondage Harris Interactive pour Le Parisien indique qu’une élection présidentielle ayant lieu aujourd’hui verrait Marine Le Pen en tête des votes au 1er tour. Elle recueillerait entre 26 % et 27 % des suffrages exprimés, Emmanuel Macron obtiendrait 23 % à 24 %. Le deuxième tour laisserait les deux personnages ex æquo, le réflexe républicain s’essoufflant, et le vote de classe à droite s’affirmant à travers la candidate d’extrême droite. À gauche, aucun candidat déclaré ne passe la barre des 11 %, occupant ainsi la quatrième place derrière le candidat de la droite, bien qu’elle cumule 27 % des intentions de vote. À ce jour, le monde d’Avant semble avoir un avenir forgé à Paris et à Versailles.

Notes :

[1Choisissez la France.