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Pouvoir d’achat

La France face à la hausse des prix

par Philippe Allienne
Publié le 1er octobre 2021 à 11:42

À l’heure où nous bouclons cette édition, jeudi 30 septembre, le Premier ministre Jean Castex devait s’exprimer sur TF1 pour annoncer les mesures gouvernementales pour faire face à l’augmentation des prix de l’énergie. Sauf que la hausse des prix ne concerne pas que ce secteur et que d’autres mesures visent à réduire encore le pouvoir d’achat des Français.

Dernière minute Jeudi soir, lors de son passage au JT de 20 heures de TF1, le Premier ministre a annoncé la mise en place d’un « bouclier tarifaire » sur les prix de l’énergie. Les prix du gaz devraient ainsi être bloqués jusqu’en avril 2022 (on peut déjà se demander ce qu’il adviendra après la présidentielle), et la hausse des tarifs de l’électricité annoncée pour février serait plafonnée à 4 % via une baisse des taxes. Le chèque énergie pourrait aussi être revalorisé si ces mesures se montraient insuffisantes.

La hausse la plus emblématique est sans doute celle des tarifs réglementés du gaz appliqués par Engie : 12,6 % dès ce 1er octobre. Trois millions de foyers sont concernés. Et ce n’est pas fini. La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a d’ores et déjà annoncé une nouvelle hausse de 15 % au 1er novembre. Cette hausse existe partout en Europe en raison d’une reprise économique. Cela entraîne une forte demande asiatique, des stocks bas, l’incapacité de la Norvège et de la Russie à augmenter leurs livraisons.

Flambée sur la facture énergétique

Les prix de l’électricité (le tarif bleu d’EDF qui concerne 70 % des Français) sont également promis à la hausse : + 12 % en février ou en mars 2022 (le gouvernement s’attendait à une augmentation de 8 à 10 %). En cause cette fois : la hausse du prix du gaz sur les marchés mondiaux ! « Le mécanisme qui détermine les prix de marché de l’électricité en Europe est directement lié aux fluctuations du gaz et à l’augmentation du prix des quotas de CO2 » expliquent les spécialistes. Les entreprises ont du mal à supporter ces hausses tarifaires et cela n’est pas sans conséquences sur la production. Celles utilisant des fours à gaz, par exemple, sont particulièrement touchées. Pour certaines, la facture énergétique double purement et simplement. Mais on peut imaginer que les consommateurs verront des répercussions sur les prix dans les magasins. Parmi les mesures que l’on essayait de deviner avant l’intervention télévisée du Premier ministre, il y aura forcément une rallonge au très insuffisant chèque énergie de 100 euros. Restait à savoir sous quelle forme. La crainte pour les ménages, notamment les plus fragilisés, est de ne pas pouvoir se chauffer cet hiver. C’est bien pour cela que le gouvernement tente de réagir, par crainte d’une explosion sociale. Il n’y a pas que le gaz et l’électricité. Depuis le début de l’année, les automobilistes voient s’envoler les prix à la pompe (gasoil et essence sans plomb). On explique cette fois que la hausse est due à l’augmentation des cours du baril de pétrole sur les marchés mondiaux. Mais là encore, les tensions sur le gaz expliquent en partie la hausse du pétrole. Pour produire de l’électricité, les industriels ont besoin de pétrole brut.

Même le papier toilette !

Dans le domaine alimentaire, il faut aussi dépenser plus. Depuis cet été par exemple, le prix des pâtes est plus élevé. Les fortes pluies de juin et juillet n’ont pas été sans effet sur les récoltes, le rendement et le prix du blé. Cela se répercute sur le prix des pâtes. Même si la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) relativise ce phénomène en faisant valoir que le prix du blé correspond à 30 % du prix des pâtes (ce qui se traduirait par quelques centimes), le symbole demeure fort. Tout augmente, même le papier et donc… le papier toilette ! Le groupe Essity (Lotus, Okay, Tena) a déjà tiré la sonnette d’alarme en soulignant une augmentation de ses coûts de 30 % depuis un an. Il l’explique par la hausse brutale du coût des matières premières, des emballages (même s’il tente de les réduire), des transports et de l’énergie. Les répercussions se feront donc sentir sur la grande distribution. La Confédération française de l’industrie des papiers, cartons et celluloses (Copacel) évoque un bouleversement des marchés pour donner suite à un coup de frein au début de l’épidémie de Covid (en mars 2020) puis un redémarrage plus rapide et plus fort que prévu. Selon la Copacel, les prix des matières premières (pâte à papier produite essentiellement en Amérique du Sud et en Scandinavie) auraient bondi de 44 à 47 % en huit mois. Au bout du compte, le papier toilette augmente. C’est aussi le cas pour le papier toilette recyclé : les déchets des entreprises à partir desquels il est fabriqué ont fortement diminué durant les périodes de confinement. Mais il faut aussi noter que le papier toilette se voit appliquer une TVA de 20 %. S’il était considéré comme un produit de première nécessité, cette taxe descendrait à 5,5 %. De manière générale, entre la rentrée scolaire et la période hivernale, les consommateurs ne sont certainement pas prêts à accepter de telles envolées dans la plupart des domaines et des produits de première nécessité. Le gouvernement peut toujours apporter des aides ou proposer des mesurettes. Les ménages les plus modestes savent bien que le mal provient d’abord des salaires trop faibles et du chômage. Or, il n’est pas question pour l’instant d’apporter un coup de pouce au Smic (qui ne fait que suivre l’inflation). Ce dernier doit être valorisé très rapidement de façon conséquente (entre 1 700 et 2 000 euros brut par mois). La réforme de l’assurance chômage, repoussée pour cause de crise sanitaire, entrera en vigueur dès ce 1er octobre. Enfin, les pensions ont diminué et la réforme des retraites qui se profile à nouveau ne va évidemment pas dans le bon sens.