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Affaire de fraude fiscale à Roubaix

La majorité de Guillaume Delbar dans la tourmente

par Philippe Allienne
Publié le 29 octobre 2021 à 12:23

Trente minutes. C’est le temps qu’a duré la réunion du conseil municipal de Roubaix du 21 octobre. Après l’intervention de Karim Amrouni, exprimant la défiance des onze élus d’opposition envers le maire Guillaume Delbar, ceux-ci ont quitté la salle. Sans répondre sur le fond, le premier édile a rapidement bouclé la séance.

Lors de cette réunion, seul le maire était présent parmi les quatre élus mis en cause dans l’affaire de fraude fiscale pour laquelle ils sont passés devant le tribunal correctionnel de Lille début octobre. Après le procès, Max-André Pick, premier adjoint, avait rapidement décidé de se mettre en retrait de ses responsabilités électives à la Ville. Ce n’est pas le cas pour les deux autres absents, Karima Zouggagh (6e adjointe) et Pierre Pick, conseiller délégué à la coopération internationale et fils de Max-André. Dès le début de la réunion (et donc avant l’ouverture de l’ordre du jour), Guillaume Delbar a accordé la parole au chef de file de l’opposition, le groupe « Roubaix en commun ». « Le texte qu’a lu Karim Amrouni avait été co-écrit et validé par les onze élus de l’opposition, dont moi-même, précise la conseillère communiste Christiane Fonfroide. Chaque mot était pesé et nous avons veillé, avec l’aide de notre avocat, à ne pas nous risquer dans des propos diffamatoires. »

Inattention et légèreté !

Ce texte insiste sur le caractère, non seulement judiciaire, mais aussi « moral et politique » de l’affaire. Il estime que Guillaume Delbar (impliqué avec son épouse) n’a plus la capacité de diriger la ville. Il remet en cause la légitimité du conseil municipal élu en 2020. La liste de Guillaume Delbar (centre) avait alors recueilli 56,20 % des voix au second tour devant celle du Karim Amrouni (43,79 %). « Après la lecture du texte, raconte Christiane Fonfroide, nous nous sommes levés et nous sommes sortis dans l’intention de rejoindre le rassemblement qui avait lieu devant l’hôtel de ville. Sauf qu’en fait de rassemblement citoyen, il y avait une soixantaine de personnes qui pour la plupart, étaient des militants politiques, syndicaux ou associatifs. » Étant donné la gravité des faits reprochés et des réquisitions du procureur [1], l’élue s’étonne et s’inquiète. « Si les citoyens roubaisiens ne s’emparent pas de l’affaire, Guillaume Delbar peut dormir tranquille. Il ne s’est d’ailleurs toujours pas adressé aux Roubaisiens et Roubaisiennes. » Deux personnes de l’opposition ont assisté au procès. « Madame Zouggagh, rapporte Christiane Fonfroide, a été capable, devant le juge, de dire qu’elle ne savait pas, qu’elle n’a pas fait attention. Et elle a affirmé son intention de continuer à s’investir dans la politique à Roubaix ! À la Ville, elle est notamment chargée de la lutte contre la pauvreté et présidente de la commission d’appel d’offres ! De son côté, Guillaume Delbar a plaidé la légèreté en disant perdre ses codes de carte bleue, voire ses cartes bancaires elles-mêmes ! Voilà le maire d’une ville de près de 100 000 habitants qui avoue être brouillon ! » De toute façon, l’élue communiste se fait peu d’illusions. « Le 2 décembre [date du délibéré - ndlr], je ne m’attends pas forcément au rendu du jugement. Les juges pourraient se prononcer sur la forme et non sur le fond. De toute façon, les prévenus feront appel. » Sauf que s’il y a appel et au final condamnation, le risque de l’inéligibilité se posera d’autant plus.

Tempête sous les crânes

« En attendant, observe Christiane Fondroide, l’ambiance au sein du conseil municipal est lourde. » Nous parlons de quatre élus mis en cause sur 42 élus siégeant dans la majorité. La sincérité des 38 autres n’est pas en cause. Vont-ils demeurer solidaires de leur maire ? On devine que parmi eux, il doit y avoir beaucoup de tempêtes sous les crânes. Certains membres de la majorité ne partagent pas les idées politiques de Guillaume Delbar et de Max-André Pick. Ils sont portés par leur passion pour Roubaix, ils sont loyaux, ils font ce qu’ils peuvent. Comme, très certainement la 8e adjointe chargée, entre autres, de l’éducation et de la politique éducative, de la laïcité, de la citoyenneté… Des gens très engagés depuis longtemps pour leur ville et qui se sont rangés en toute confiance derrière Guillaume Delbar. Jusqu’à quand ?

Le malaise fait que l’information a du mal à filtrer. Au moins, les élus du MoDem (majorité) se sont-il exprimés. Voici ce que disent sobrement, le 19 octobre, sur les réseaux sociaux, Frédéric Lefebvre, adjoint à la culture et président départemental du MoDem, et Arnaud Verspieren, conseiller délégué et responsable de la section MoDem de l’agglomération roubaisienne : « En qualité de responsables du Mouvement Démocrate (MoDem) mais aussi en tant qu’élus de la majorité municipale de Roubaix c’est avec stupéfaction que nous avons appris la mise en examen de quatre élus roubaisiens. Nous rappelons notre attachement à la nécessaire probité et à l’exemplarité de tous les élus de la République. La justice se prononcera le 2 décembre prochain et d’ici cette date, la présomption d’innocence est la règle. Nous saluons la décision responsable de Max-André Pick qui, ayant reconnu les faits qui lui sont reprochés, a décidé de se mettre en retrait de l’ensemble de ses responsabilités politiques en attente du jugement. » Un commentaire sobre mais déterminé qui peut cacher bien des surprises. Rendez-vous au 2 décembre.

Notes :

[1Le tribunal a retenu le délit d’escroquerie en bande organisée et a requis, à l’encontre du maire, 18 mois de prison avec sursis, 5 000 euros d’amende et une peine d’inéligibilité de trois ans.