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Cathy Apourceau-Poly

« La mutation du Bassin minier est encore un long combat »

Publié le 14 juillet 2022 à 17:08

Depuis 20 ans, la Mission Bassin minier œuvre comme soutien aux populations et aux territoires suite aux fermetures des mines et à la désindustrialisation. Elle accompagne notamment les projets de rénovation. Cathy Apourceau-Poly, présidente de la Mission depuis 2014, livre sans détours un premier bilan et ses perspectives pour les prochaines années.

  • Quel bilan faîtes-vous de ces dix dernières années ? Beaucoup de choses ont été faites en dix ans. Ce serait compliqué d’être exhaustive. Les dossiers, transversaux, sont toujours en cours comme la trame verte et bleue, la fête des parcs, les cités pilotes, le Trail des Pyramides noires, les cinq sites miniers en danger et encore bien d’autres. La mutation du Bassin minier est encore un long combat.
  • Quel est le défi actuellement ? Nous devons poursuivre la mutation du Bassin minier. Nous avons hérité d’un passé avec des séquelles importantes. À nous de le porter et de le mettre en avant. Nous devons absolument passer une étape supplémentaire avec la rénovation des espaces publics pour qu’on puisse avoir une mixité de population plus importante. Nous devons également travailler à l’attractivité du territoire. L’ERBM (Engagement pour le renouveau du Bassin minier) est une première pierre de l’édifice. Tout comme l’arrivée du Louvre-Lens et l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco ont permis de changer le regard sur notre territoire.
  • Comment rendre le territoire encore plus attractif ? En créant les conditions pour que les gens puissent bien vivre dans la cité. Il faut des parcs, des salles polyvalentes, des écoles. Les gens doivent pouvoir se retrouver à l’intérieur de la cité avec des services dédiés à la population. De même, nous devons disposer de lieux pour la garde des enfants. Aujourd’hui, nous avons besoin de créer du lien et cela passe par des espaces publics adaptés à nos populations mais aussi par la création du TERGV. Nous avons besoin d’être mieux desservis et plus rapidement dans le Bassin minier. Quand on désire se rendre à Lille, il faut compter entre une heure et une heure trente en TER. Ce n’est pas la panacée. C’est un véritable besoin de disposer d’un réseau de mobilité plus efficient.
  • Quelle est la plus grande force de ce territoire ? Nous avons un urbanisme et une architecture importants. Les cités minières sont très différentes les unes des autres. Avec la rénovation du Bassin minier, ces petites maisons deviennent de véritables atouts. Aujourd’hui, les gens privilégient l’habitat horizontal, ils ne veulent plus d’habitat vertical. Avec le confinement, beaucoup de personnes rêvaient d’un petit espace de verdure. Lorsque toutes les citées seront rénovées, elles offriront des conditions d’habitation qui correspondent davantage à notre époque. Dans le Pas-de-Calais, certaines villes contiennent plus de 60 % de logements miniers. Avec la rénovation, cela va représenter un véritable atout. Mais surtout, nous avons une véritable richesse qui nous vient du temps des mines : la base 11/19 à Loos-en-Gohelle, la mine de Lewarde, la fosse 9-9bis à Lens, la fosse d’Arenberg à Wallers, la Cité des électriciens à Bruay-la-Buissière et bien d’autres encore.
  • Quelle est l’image du Bassin minier ? Elle a beaucoup évolué au cours du temps. Aujourd’hui, lorsque des personnes extérieures au territoire le découvrent, elles sont bluffées. L’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco, accompagnée par l’ouverture du Louvre-Lens, ont contribué à redorer l’image du territoire. Nous devons continuer à œuvrer dans ce sens, pour le rayonnement du territoire. Cela dit, c’est un territoire qui reste fragile, notamment sur le plan social.
  • Quelles sont ces fragilités ? Il y a beaucoup de pauvreté et de problèmes de mobilité. Cette fragilité sociale est un stigmate de la fermeture des mines et de la désindustrialisation. C’est pourquoi la reconstruction du lien social doit aussi passer par l’installation d’entreprises modernes sur notre territoire. Autre obstacle que nous devons lever, celui de l’illectronisme, une difficulté réelle rencontrée par les habitants du Bassin minier. Sur le plan sanitaire, nous avons un certain nombre d’indicateurs qui sont à la fois mauvais et inquiétants. L’espérance de vie est bien inférieure à la moyenne nationale. Nous avons également des problèmes respiratoires et d’obésité. Si l’on considère la population du Bassin minier, sur les départements du Nord et du Pas-de-Calais, elle avoisine les 1,1 million d’habitants. Or, nous n’avons même pas de CHU. C’est pourquoi nous nous battons pour la création d’un centre hospitalier universitaire à Lens car lorsque des médecins sont formés sur un territoire donné, ils ont tendance à y rester. Avant, dans les cités, il y avait des centres médicaux miniers. Or, ils ont fermé peu à peu et le territoire tend à devenir un désert médical. Nous avons donc besoin également de centres de santé au plus près des habitants. D’autant plus que nous avons une population plus vieillissante qu’ailleurs. Le besoin en services d’aide à la personne comme celui d’un grand hôpital gériatrique devient crucial.
Propos recueillis par Nadia DAKI
La Mission Bassin minier en 5 dates 2000 : création de la Mission Bassin minier, association loi 1901, par Gilbert Rolos, Daniel Percheron et Jean-François Caron. 2010 : lancement de l’opération des Cités Pilotes. 2012 : inscription du Bassin minier au patrimoine mondial de l’Unesco et inauguration du Louvre-Lens. 2013 : conférence permanente du Bassin minier et publication du livre blanc avec 100 propositions pour accompagner la mutation du Bassin minier. 2014 : 1re édition du Trail des Pyramides noires.