La gestion de la crise par la Corée du Sud, la Chine, Taïwan ou Singapour, qui ont massivement utilisé les nouvelles technologies pour surveiller leurs habitants, échappant ainsi au confinement total, a souvent été érigée en modèle. Ainsi, en Corée du Sud, les personnes malades sont mises en quarantaine obligatoire et une application sur smartphone développée par le ministère de l’Intérieur sud-coréen permet de vérifier, grâce à leur GPS, qu’ils restent bien chez eux. Le gouvernement a d’ores et déjà proposé de partager sa technologie avec d’autres pays s’ils le souhaitent, tout comme Singapour. Ce dernier propose une application qui avertit les personnes non infectées si elles ont fréquenté une zone au même moment qu’une personne déclarée positive par la suite. En France, cela remplacerait les enquêtes de l’ARS qui essayait de retracer les contacts au début de l’épidémie.
À Taïwan, le gouvernement est allé un cran au dessus, en intimant aux habitants d’envoyer des selfies depuis chez eux plusieurs fois par jour afin de prouver qu’ils respectent bien le confinement. Un journaliste taïwanais, Milo Hsieh, raconte sur Twitter avoir vu débarquer la police chez lui en moins d’une heure le jour où son téléphone s’est éteint faute de batterie. Et à Hong Kong, le gouvernement utilise même des bracelets électroniques pour s’assurer du bon respect du confinement, une véritable « liberté conditionnelle ».
Et que dire de Wuhan où le déconfinement a enfin pu commencer, mais dont les déplacements des habitants restent soumis aux résultats d’une application de traçage ? C’est le même type d’application que celle utilisée à Singapour (et que la France souhaite mettre en place sous le nom de « StopCovid ») sauf qu’ici, elle ne se contente pas d’informer les utilisateurs sur leurs chances d’avoir croisé récemment une personne contaminée pour les inciter à aller se faire dépister, elle leur attribue chaque jour une couleur - verte, orange ou rouge - qui détermine leur capacité à se déplacer librement.
Si vous êtes un citoyen « vert » (comprendre : vous n’avez pas croisé de malades récemment d’après vos données GPS), vous avez le droit de vous déplacer, prendre le bus, le train ou l’avion. Si vous êtes « orange » (comprendre : selon votre GPS, vous avez sans doute croisé un malade lors de vos déplacements récents, qui vous a donc potentiellement contaminé), l’accès aux moyens de transport vous est interdit et vous devez rester confiné chez vous pendant une semaine. Si vous êtes « rouge » (comprendre : vous êtes très probablement infecté), vous devez rester confiné chez vous pendant deux semaines. Une application à l’extrême des possibilités apportées par la technologie de traçage, digne d’un épisode de la série Black Mirror.
La surveillance se répand
Mais les occidentaux eux aussi ont rapidement vu arriver ce type d’initiatives. D’abord en Israël, qui utilise sa technologie anti-terroriste pour lutter contre un « ennemi invisible » bien qu’elle puisse « enfreindre les libertés individuelles des patients » comme l’a indiqué Benyamin Netanyahou. Mais aussi aux États-Unis, où le gouvernement s’est associé avec Facebook et Google (plutôt qu’avec les opérateurs télécoms) pour cartographier l’évolution de la pandémie et même suivre les symptômes de la maladie via des questionnaires en ligne. Des entreprises de télésurveillance ont même proposé d’installer des caméras thermiques pour repérer des malades potentiels, comme en Chine.
En Europe, l’Espagne et l’Italie ont vu arriver le tracking GPS dans les zones les plus touchées, quand la Pologne, elle, a mis en place le même système de reconnaissance faciale qu’à Taïwan pour surveiller les habitants revenant d’un voyage à l’étranger. Encore plus proche de nous, notre voisin belge utilise déjà les données agrégées et anonymisées des opérateurs télécoms pour prédire la propagation de l’épidémie.
Le futur n’a jamais été aussi actuel.
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