Patrice Bessac Maire de Montreuil et président d'Est Ensemble

Le choix de l’union

par Philippe Allienne
Publié le 28 août 2020 à 12:06

Patrice Bessac entame son second mandat à la tête de la municipalité de Montreuil, en Seine- Saint-Denis (93). La majorité dispose de 51 élus sur 55, répartis en cinq groupes rassemblant des communistes, socialistes, insoumis, écologistes. Le maire, également élu à la présidence de l’Établissement public territorial Est Ensemble [1], nous livre un retour d’expérience.

Votre premier mandat a été marqué par une équipe municipale très rassembleuse, mais donc très diversifiée et une opposition (à Montreuil on dit plutôt « minorité ») très chahuteuse. Comment l’avez-vous vécu ?

Ce premier mandat a été l’expérience la plus difficile et dans laquelle j’ai le plus appris. La plus difficile parce qu’il a fallu fournir des efforts immenses pour le redressement financier de la ville, pour réorganiser l’administration, pour renouer le lien avec la population montreuilloise. Cela ne s’est pas fait sans heurts. En même temps, c’est une période durant laquelle j’ai rarement autant appris. La grande ligne qui a conduit notre travail reposait sur l’idée de ne prendre personne pour un ennemi, de travailler avec tout le monde et de créer en permanence, même quand les conditions politiques sont difficiles, les conditions du dialogue et du travail en commun. Pendant six ans, notre devise n’a jamais varié : « Unir pour réussir. » Je pense que cette ligne a été extrêmement précieuse pour construire les conditions du bon travail et ensuite de la réélection.

Il était important de rester imperturbable, droit dans ses bottes ? Cent fois, il y a eu la colère, l’envie d’en finir avec des mouvements opposés de personnes qui ne s’inscrivaient pas dans le travail collectif. Je ne regrette pas, en tout cas, d’avoir passé beaucoup de temps avec des gens qui n’avaient pas la même opinion que la nôtre, voire qui combattaient nos projets. Mais ce temps passé à dialoguer était utile pour le service public, pour améliorer nos décisions, notre action, et au final pour rassembler.

Précisément, l’équipe issue des élections municipales 2020 repose toujours sur une logique de rassemblement. Comment avez-vous procédé ?

D’abord, extrêmement tôt, en février 2019, nous avons construit une coopérative citoyenne, la COOP’Montreuil, qui a permis en quelques mois de rassembler plusieurs centaines de citoyens montreuillois désireux d’apporter leur pierre au programme et à l’avenir de Montreuil. Nous l’avons bâtie sur des principes d’intelligence collective. Nous avons organisé des dizaines et des dizaines d’ateliers sur le programme, sur notre pratique politique. C’était une coop’ ouverte, un groupe de réflexion, où chacun pouvait compter. Cela a été un mouvement important dans la ville. À la suite, assez naturellement et pas à pas, les forces politiques, à part EELV, ont fini par rejoindre le travail que nous avions engagé. Ces forces politiques, avec ce travail de la coop, ont témoigné d’un état d’esprit favorable au travail commun. Il y a bien eu des tentatives de certains, au PS ou dans d’autres formations politiques, d’empêcher le rassemblement, mais au final, le mouvement de rassemblement a été plus fort parce qu’il était construit sur une dynamique sincère.

Le premier secrétaire fédéral du PS de la Seine- Saint-Denis a fait savoir son mécontentement lorsque des socialistes de l’équipe sortante de Montreuil ont fait part de leur volonté de rassemblement derrière vous. C’était quoi la stratégie ? Le PS pensait au troisième tour, c’est-à-dire à la présidence de l’EPT Est Ensemble jusque-là détenue par leur formation ?

Effectivement, il y a eu volonté de créer une liste d’opposition soutenue par le PS. Je crois plus simplement qu’elles et ils se sont mépris sur l’état de l’opinion. Ce qui s’est passé par la suite l’a clairement montré. Les milliers d’appels à nous soutenir, venus de la population montreuilloise, sont le fruit du travail accumulé pendant les six ans du mandat précédent. Finalement, parmi les socialistes montreuillois, les gens favorables à l’union ont fini par être largement majoritaires.

Après les municipales, vous vous êtes porté candidat à la présidence d’Est Ensemble contre le socialiste sortant Gérard Cosme.

Voilà l’EPT dirigé par un communiste. C’est une belle victoire ? Sur le territoire d’Est Ensemble il y a eu un état d’esprit nouveau qui s’est caractérisé par trois choses : beaucoup de travail avec les citoyens, de l’innovation politique, des dynamiques de rassemblement à gauche. Cela a conduit à des victoires. Nous avons gagné les communes de Bobigny et Noisy-le-Sec et nous sommes partie prenante du rassemblement de Romainville. En Seine-Saint-Denis, le PCF a joué un grand rôle parce qu’il a, notamment à Montreuil, su rassembler, être créatif. Nous avons gagné des militantes et militants. Il y a une génération nouvelle qui s’affirme et qui émerge dans l’organisation militante tout en étant attentive à tout le monde. Cela illustre l’engagement du PCF dans une démarche citoyenne innovante et notre engagement pour l’union. Reste que le parti, en Seine-Saint- Denis, vit aussi des moments de tristesse et de défaite. Je pense à Saint-Denis, à Aubervilliers, aux villes que nous avons perdues. Pour le moment, nous pensons à panser nos plaies et à être aux côtés des gens dans la crise sociale qui s’annonce difficile, particulièrement dans un département populaire comme la Seine- Saint-Denis.

Comment allez-vous faire, à Montreuil, face à cette crise et les grands projets engagés ?

À Montreuil, nous avons deux grands projets de transport, le métro (prolongement de la ligne 11 entre la mairie des Lilas et Rosny- sous-Bois, via Montreuil - ndlr) et le tramway (prolongement de la ligne T1 entre Noisy-le- Sec et Val de Fontenay - ndlr). Cela va conduire la ville à connaître d’intenses évolutions dans les mois et les années à venir. Dans le domaine de l’emploi, notamment celui des jeunes, c’est pour nous un sujet de relance nécessaire notamment en direction des entreprises. Nous avons de plus en plus de PME- PMI, artisans... Il faut que cette richesse soit au service du développement de notre territoire. Sur le logement nous avons un engagement fort en matière de mixité et de maintien du logement public, comme une des sources de notre richesse. Nous entendons nous lancer dans la création d’un organisme foncier public qui permettra d’acheter des terrains et de construire en abaissant le prix du foncier pour les familles. Un des problèmes de Montreuil, comme d’autres villes de la première couronne, est le prix des loyers et des terrains, de plus en plus élevé. Cela empêche certaines familles populaires, aux revenus moyens, d’acheter et de louer. Or, nous tenons comme à la prunelle de nos yeux à la diversité de la population montreuilloise dans tous les quartiers.

Pourquoi avez-vous quitté la présidence de l’Anecr (Association nationale des élus communistes et républicains) ?

Vous savez c’était un moment de ma vie militante, il y a deux ans, où j’ai estimé que je devais consacrer toute mon énergie à Montreuil. Il y avait autour de moi des gens tout à fait capables d’assurer la responsabilité de l’Anecr. Quand des personnes autour de vous peuvent faire mieux que vous, il ne faut pas hésiter à leur confier les responsabilités.

Notes :

[1Le territoire « Est Ensemble », 418 000 habitants, regroupe les communes de Bagnolet, Bobigny, Bondy, Les Lilas, Le Pré-Saint-Gervais, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin et Romainville.