Milieu scolaire

Le débat face à la montée d’un discours de radicalisation religieuse

par Philippe Allienne
Publié le 23 octobre 2020 à 11:52

Environ 2 000 personnes se sont rassemblées, dimanche 11 octobre à 15 heures à Lille, pour rendre hommage à la mémoire du professeur d’histoire-géographie assassiné deux jours plus tôt à Conflans-Sainte-Honorine. Les enseignants et les élèves ont particulièrement tenu à marquer leur attachement à l’école de la République.

« S’attaquer à un enseignant, c’est s’attaquer à l’école qui est un lieu de construction d’un savoir critique, de rencontre de l’autre, de la formation de futurs adultes libres et éclairés. » Mais pour les syndicats [1], qui s’exprimaient d’une seule voix, les enseignants doivent pour ce faire être soutenus dans l’exercice de leur métier. « Nous réaffirmons notre attachement à la liberté d’expression, condition nécessaire à l’émancipation, a souligné Odile Duverne (FSU Snes), et nous appelons à éviter toute instrumentalisation de ce drame. Nous rappelons que nous sommes attachés à la laïcité qui garantit la liberté d’expression. Que ce n’est pas par la haine que nous répondrons à la haine qui a coûté la vie à Samuel Paty, mais par la promotion de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.  »

Détérioration des conditions d’enseignement

De son côté, l’association Femmes solidaires rappelle n’avoir cessé d’alerter, depuis dix ans, et particulièrement depuis les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, « sur la détérioration des conditions d’enseignement et la difficulté de transférer des connaissances dans une société où le fait religieux envahit toujours plus l’espace éducatif ». L’association pense à l’école mais aussi aux centres sociaux ou aux accueils sportifs et de loisirs. « Nous constatons, reprend-elle dans un communiqué, semaine après semaine, année après année, la montée d’un discours de radicalisation religieuse s’opposant notamment à la liberté d’expression et au droit à disposer de son corps. » Femmes Solidaires ajoute que « les professeurs d’histoire demeurent les plus exposés notamment à un antisémitisme latent qui va jusqu’à les empêcher d’enseigner dans la sérénité la Shoah mais plus largement la Seconde Guerre mondiale et l’histoire contemporaine. Nous constatons à chacune de nos interventions que le sexisme, l’antisémitisme et l’homophobie n’ont pas disparu des salles de classes ». Professeure d’histoire-géographie à Armentières, Céline Rigo était présente au premier rassemblement qui avait eu lieu samedi 10 octobre, sur la même place de la République à Lille. « Les valeurs républicaines, la liberté, la laïcité, je les enseigne tous les jours. Ce qui m’énerve, c’est que l’on nous demande toujours d’en faire plus. Nous sommes bien conscients que notre travail sur les libertés et les droits fondamentaux est nécessaire au fonctionnement de la démocratie. »

Priorité au débat

Rencontre-t-elle des difficultés particulières avec ses élèves ? Non, mais les élèves sont très demandeurs, posent beaucoup de questions. Cela va bien au-delà des questions liées à l’islam. « Ils s’interrogent sur ce qu’il se passe dans le monde. Pour ma part, je ne suis jamais opposée au débat. Il est important de prendre toutes les interrogations au sérieux. » Mais ce que souhaite Céline Rigo, c’est davantage de temps et moins d’élèves par classe. « Il est très difficile de débattre avec 30 à 35 élèves », dit-elle. Et puis, il faut faire avec une réforme des lycées infaisable et des épreuves du Bac en mars. Pour elle, c’est d’abord la question des moyens qui se pose pour mener sa mission à bien. Pour l’heure, elle demeure songeuse en pensant à ce funeste vendredi 9 octobre. « Vendredi, je suis sortie de mon établissement à la même heure que Samuel, dit-elle avec émotion. Mais lui n’est pas rentré chez lui... »

Notes :

[1AD, CGT, FO, FSU, SNALC, SGEN-CFDT, Sud Éducation, CFDT.