BUDGET

Le Département du Nord doit être plus exigeant avec l’État

par Franck Jakubek
Publié le 21 décembre 2018 à 12:17 Mise à jour le 3 janvier 2019

Le budget primitif 2019 sera le premier depuis la contractualisation du Département du Nord avec l’Etat. Toujours farouchement opposés, les communistes estiment que le contrat place le Département quasiment « sous tutelle préfectorale ».

Devant les membres du Conseil départemental du Nord, à l’occasion du débat d’orientation budgétaire, le 17 décembre, et à la veille d’un double déplacement ministériel, Charles Beauchamp, président du groupe des élus communistes et républicains à l’assemblée départementale, a regretté : « Nous voilà revenus à l’avant 1982 ». En pleine crise sociale, les questions de budget, donc d’orientation politique, ont la première place. Et le groupe communiste nordiste écarte l’argumentaire du président Jean-René Lecerf qui justifie à la fois sa «  politique d’austérité[...], la suppression des politiques issues de la précédente majorité et l’augmentation de la fiscalité » en brandissant « l’héritage du passé et la menace de mise sous tutelle du Département ».

« Le mouvement social actuel rassemblant gilets rouges, gilets jaunes, robes noires, blouses blanches et syndicats » oblige à une réaffirmation de la clarté des choix politiques. « Il n’y a pas d’ordre naturel des choses dans la gouvernance des affaires publiques. Il n’y a pas de trajectoire qui nous serait dictée. Il n’y a pas d’évidences dans la façon dont sont décidées et conduites les politiques publiques, qu’elles soient nationales ou locales », précise Charles Beauchamp en préambule à son intervention, dénonçant les écarts grandissants entre les Nordistes : les plus grandes fortunes de France se nichent dans l’un des plus pauvres départements.

Le groupe PCF, dans l’hémicycle du Conseil départemental du Nord.

Le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) coûtera quarante milliards d’euros en 2019 et la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) 3,5 milliards. A mettre en parallèle avec les pertes liées à la fraude et l’évasion fiscales, plus de quatre-vingts milliards de déficit par an pour les finances publiques…

Le Nord est donc plus frappé qu’ailleurs du niveau d’injustice fiscale qui fait bondir les Français depuis le 17 novembre. Les craintes des communistes concernent la préservation et l’amélioration des services publics, que le budget ne permet pas de garantir.

Le sentiment de naviguer à vue

C’est le constat que fait Charles Beauchamp, tant est importante la «  multiplication des facteurs inconnus dans l’équation budgétaire  ». Coincé entre la « compression  » des dépenses de fonctionnement et « l’insuffisance criante des compensations de l’État, le budget n’ouvre pas la voie à une garantie de maintien des services publics mais «  contribue à réduire le niveau de service public offert à la population ». Malgré les attentes de la population. « notre devoir est de garantir sur les territoires la présence des politiques publiques », souligne l’élu.

La compensation réclamée des prestations désormais à la charge du Conseil départemental n’est toujours pas assurée. Et ce malgré les nombreuses interventions des communistes, à tout niveau, qui n’ont de cesse de faire établir, à l’euro près, les transferts de fonds liés aux transferts de responsabilité. « La dette de l’État s’alourdit », constatent-ils.

Au niveau de la dotation globale de fonctionnement, Jean-René Lecerf constate une stabilisation au niveau national, quand Charles Beauchamp déplore une baisse de 43 millions d’euros depuis 2016 en notant un compte administratif à l’époque de 564 millions et un montant prévisionnel pour 2019 de 521 millions. « C’est inacceptable  », déplore-t-il. Même si le respect du contrat avec l’État permettrait une majoration. « Une carotte financière pour réduire à peau de chagrin le niveau de service aux habitants  », estime l’élu communiste.

Ressources et liberté locale confisquées

L’incertitude sur les produits fiscaux au titre de 2019 est une autre raison de mécontentement. Le projet de la Loi de finances est peu disert sur les finances des Départements. « Le seul levier fiscal qui reste au Département aujourd’hui est la taxe foncière sur le bâti. Et il se dit qu’elle est menacée », s’emporte Charles Beauchamp, pas enchanté par la perspective d’être placé sous « perfusion totale de l’État ».

Le poids du financement des allocations individuelles de solidarité et la prise en charge des mineurs non accompagnés plombent les comptes de tous les Départements et nécessitent « que les exécutifs locaux protestent réellement contre la confiscation progressive des ressources et de la liberté locale par le pouvoir central ». L’association des départements de France joue-t-elle encore son rôle ? Au regard du déroulement de son dernier congrès, Charles Beauchamp souligne son peu de combativité et d’exigences vis à vis de l’État. Au contraire, « Elle accompagne l’État dans l’asphyxie des départements  » dénonce-t-il en rappelant que l’ADF est à l’origine de la création d’un fonds de péréquation « horizontal  » de 250 millions d’euros entre départements. « La péréquation horizontale n’a de sens que si la péréquation verticale est réelle et proportionnelle aux charges » rappelle-t-il.

Autrement dit, c’est à l’État de veiller au rééquilibrage financier pour permettre une égalité d’actions publiques sur l’ensemble des territoires. Ce n’est pas aux Départements de s’arranger entre eux pour compenser les déficits liés aux carences de l’État, disent les élus communistes.

Vigilance du PCF dans trois secteurs
RSAPersonnes handicapéesMineurs isolés
Dans un contexte contraint, la majorité est plus sensible à une diminution accélérée du nombre d’allocataires, pour des raisons plus budgétaires que sociales. Les ayant-droits à la prestation de compensation du handicap, en augmentation, et dont l’attribution est effectuée sur évaluation « médico-sociale pluridisciplinaire ». Un état des lieux est en cours pour connaître les raisons de cette hausse. Avec le doublement du nombre de mineurs non accompagnés dans le département, là aussi, le PCF demande catégoriquement plus d’exigence vis-à-vis de l’État. « Les mineurs non accompagnés doivent être d’abord reçus comme des mineurs et non comme migrants », s’indigne et s’inquiète Charles Beauchamp au regard d’un projet de décret du ministère de l’Intérieur. Inquiétude partagée avec la CIMADE, Médecins sans frontières et l’UNICEF.