Vive émotion, la semaine dernière, à Wambrechies, provoquée par le refus du maire de laisser le fils d’un fusillé venir se recueillir sur le lieu d’exécution de son père. Georges Waysand n’avait qu’un peu plus d’un an lorsque celui-ci, Mosje Chaïm Waysand dit Mouni ou Jean, résistant de la première heure, fut arrêté en septembre 1942, condamné à mort puis fusillé le 15 décembre au Fort du Vert-Galant à Wambrechies. Juif polonais réfugié en Belgique puis en France, ingénieur de formation, Jean Waysand était le responsable technique des FTP du Nord-Pas-de-Calais. Il mettait au point les engins explosifs destinés aux sabotages de la machine de guerre nazie. Georges Waysand n’aura évidemment jamais connu son père. Sa mère, Esther Zilberberg, que ses amis surnommaient Estoucha, elle-même résistante, ancienne volontaire de la guerre d’Espagne, l’avait confié à un couple de militants communistes de La Bassée, Jeanne et Fernand Deroubaix que Georges Waysand considérera toujours comme sa deuxième famille. Estoucha sera arrêtée en février 1943, torturée, déportée en Allemagne à Ravensbruck puis à Mathausen. Elle en reviendra, reprendra des études pour devenir médecin et ne reprendra son fils, faute de moyens pour l’élever, qu’en 1948.
Cette histoire à bien des égards tragique, Georges Waysand devenu physicien,directeur de recherche au CNRS, l’a raconté dans deux livres, l’un consacré à sa mère (Estoucha), l’autre à son père (Profession du père : fusillé). Une histoire évidemment marquante pour toute une famille qui, il y a dix ans, était venue se recueillir au fort du Vert-Galant. Cette démarche, Georges Waysand voulait la renouveler dix ans après. Mais, c’était sans compter sur le refus du maire, Sébastien Brogniart : « Nous avons 92 fusillés. Je ne peux pas ouvrir le fort à la demande, pour chaque personne... » Réponse malheureuse. « En 27 ans, nous avons eu trois demandes » précise un ancien adjoint au maire, outré par cette réponse. Georges Waysand eut beau proposer de venir chercher puis ramener à la mairie la clé de la grille, de défrayer l’employé qui se déplacerait... Rien à faire, le maire le renvoyant à la cérémonie annuelle qui se déroule chaque mois d’avril (à laquelle d’ailleurs Georges Waysand participe régulièrement). Sauf que, se répandant sur les réseaux sociaux, le refus du maire déclencha un tollé général à Wambrechies même. Au point que Sébastien Brogniart se rendant compte, mais un peu tard, de sa maladresse, dut se résoudre à faire marche arrière. Samedi dernier, Georges Waysand et sa famille ont donc pu, enfin, pénétrer dans le Fort et se recueillir dans la petite clairière où fut abattu Jean Waysand. C’était il y a 80 ans, presque jour pour jour.