Entretien avec Jean-Louis Callens

Le Secours populaire français veille aux vacances pour les enfants et les familles

par Philippe Allienne
Publié le 17 juillet 2020 à 16:33

La pandémie du coronavirus et le confinement n’ont bien sûr pas été sans conséquences sur les activités du Secours populaire français. Pour autant, ses équipes poursuivent leurs missions vers les familles et les jeunes et veillent à leur droit aux vacances. Le point avec Jean-Louis Callens, secrétaire général de la fédération Nord du Secours populaire français (SPF) et membre du bureau national.

Comment la fédération du Nord a-t-elle géré la crise sanitaire et quelles ont été les conséquences de celle-ci ?

Il a fallu fermer l’accueil quelques jours et mettre le pas sur les activités qui permettent de financer nos actions solidaires comme les soirées, les repas, etc. Mais nous avons rapidement repris pour venir en aide aux familles. Sur l’ensemble du département, nous avons aidé 13 600 familles en leur livrant des plateaux repas trois fois par semaine. À titre de comparaison, sur l’ensemble de l’année 2019 et tous services confondus, nous étions venus en aide à 293 000 personnes. Quant aux conséquences de la crise sanitaire, c’est un manque à gagner de 70 000 euros sur un budget annuel de 8 millions. C’est à cause de la baisse de nos activités, les subventions étant inchangées.

Vous venez d’organiser une braderies dans vos locaux de la rue Cabanis, à Lille. C’est le signe de la reprise des activités ?

C’était samedi 11 juillet. Un millier de personnes sont venues. Nous avons fait une recette de 10 000 euros environ. En effet, on peut parler de retour du public. Les gens en avaient assez d’être confinés. Mais il est remarquable que tous ont respecté scrupuleusement les règles sanitaires. Nous avions mis des masques et du gel hydroalcoolique à disposition et nous avions disposé la salle pour le respect des distanciations, mais chacun portait d’office son propre masque. La conscience du danger de contamination est bien réelle. Les gens se protègent.

Comment cela se passe-t-il pour les vacances ?

Comme nous le rappelons toujours, un enfant sur trois est privé de vacances. Un de nos soucis, c’est de permettre aux enfants de partir en colonie de vacances. Ce n’est pas simple. Concernant les familles, c’est déjà compliqué. Elles ont l’idée, et la peur, de la Covid dans la tête. Elles partent en vacances, mais nous ressentons moins d’enthousiasme que d’habitude. Quand il s’agit d’envoyer les enfants en colonie, elles hésitent beaucoup, comme elles ont hésité ou refusé de laisser leurs enfants reprendre le chemin de l’école. Mais malgré tout, les colonies de vacances reprennent. Nous avions par exemple 45 inscriptions, au 13 juillet, pour le centre « Copains du Monde » de Gravelines et pour la période du 5 au 25 août. Nous accueillons habituellement 200 à 250 jeunes de 10 à 25 ans dont de nombreux enfants qui viennent de l’étranger (Afrique, Asie, etc.). Comme cette année ces derniers ne peuvent pas quitter leur pays, nous mettons en place un centre de vacances virtuel. Des activités seront organisées via une liaison internet avec des moments forts comme des spectacles, de la danse, l’évocation des vacances passées...

Au final, combien de personnes pourront-elles partir ?

Nous envisageons d’aider 150 familles à partir en vacances en France et 200 enfants en colonie. C’est un peu moins que l’an dernier (200 familles et 220 enfants). Nous leur donnons des chèques-vacances d’une valeur unitaire de 50 euros (un à trois en fonction des familles et de leurs revenus). Il faut savoir qu’un mois de vacances coûte 800 euros par enfant. Nous avons aussi des participations de la CAF, des comités d’entreprise, des Vacances du cœur, etc.

Il y aura des vacances apprenantes ?

Oui. Cela va s’appliquer notamment au moment des repas sur des thèmes comme l’origine des aliments, le gaspillage alimentaire, l’agriculture, l’environnement, mais aussi le respect des parents, des voisins, etc. Nous pourrons aussi le faire autour de spectacles. L’essentiel est de ne pas ennuyer les enfants et de rester ludiques.

Où en sont les financements européens de l’aide alimentaire étant donné l’évolution de la politique de l’UE ?

Pour l’instant, rien n’est défini. Nous ne savons pas encore ce qui va être précisément attribué. Nous sommes quatre associations agréées pour gérer l’aide européenne : la Croix-Rouge, les Restos du cœur, la Banque alimentaire et le SPF. Les aides sont décidées pour six ans. Jusqu’ici, l’Union européenne décidait d’un fonds d’aide alimentaire de 500 millions d’euros, donc sur six ans, pour aider les associations. Ces dernières étaient soumises à certaines obligations (contrôles sanitaires, comptage des produits...). Il nous fallait tenir des registres très rigoureux (un dossier par famille). Pour bénéficier de l’aide fournie par le fonds européen, il faut que le revenu quotidien ne dépasse pas huit euros par personne (une fois les dépenses de bases déduites, frais de transport compris). Cette année, l’UE a décidé de ne plus abonder ce fonds spécifique mais d’augmenter la part qui revient à chaque État pour la lutte contre la pauvreté.

Et cela pose problème ?

Oui parce que l’on peut supposer que les États pourront faire ce qu’ils veulent, en matière de priorités, dans la lutte contre la pauvreté. L’aide alimentaire pourrait en pâtir. Or, pour nous, ce fonds représente 60 % de ce que nous distribuons. Jusqu’ici, la France touchait 86 millions sur l’enveloppe européenne de 500 M€. L’État ajoutait 20 M€ pour l’aide alimentaire. L’UE exigeait que les produits distribués soient européens. Cette condition a disparu. Les nouvelles dispositions doivent s’appliquer à partir de 2021 et pour six ans. Les intentions du gouvernement ne sont à ce jour pas connues. Il faut aussi savoir que, lorsque le plan d’aide européen a été décidé, en 2014, il y avait 84 millions de gens en difficulté en Europe. Aujourd’hui, ils sont plus de 120 millions.

Que pouvez-vous faire à votre niveau ?

Au début de cette année, nous avons écrit à toutes les municipalités du Nord pour qu’elles votent la continuité des aides européennes. Nous avons reçu 450 réponses positives (des motions ont été votées en ce sens en conseil municipal – ndlr). Cette question sera notre priorité à l’automne mais nous y travaillons dès à présent. Nous avons demandé le soutien du précédent gouvernement et son ministre de l’Europe s’était engagé à porter notre parole à Bruxelles. Nous y sommes d’ailleurs nous mêmes allés.