- Comment définissez-vous la laïcité ? La liberté religieuse, son expression et sa manifestation restent entières. Mais la religion n’a pas prise sur l’élaboration de la loi commune. La laïcité repose sur deux piliers : liberté de conscience et séparation de l’État et des cultes. Elle a pour objectif l’émancipation des esprits. Il y a trois corollaires : l’école laïque qui construit ses citoyens ; une société indivisible où tout le monde a les mêmes droits, sans privilèges. La République, ce n’est pas le communautarisme. La loi est la même pour tous, dans le sens de l’universalisme. Et puis, il faut des lois protectrices car tout cela ne se fait pas tout seul. Il faut un projet politique qui permet de construire la citoyenneté.
- Tout le monde ne l’entend pas ainsi. Il y a un grand malentendu sur la laïcité parce que ceux qui n’aiment pas la liberté de conscience, la laïcité et l’émancipation des esprits disent que la laïcité est oppressive. La liberté est une construction sociale et personnelle. La liberté est une conquête. Dire que les lois protectrices sont oppressives c’est la même chose que si l’on dit qu’en matière sociale les lois sociales sont contre la liberté du loup dans le poulailler. La liberté se construit par des lois.
- Comment défendre aujourd’hui cette notion de laïcité ? Tous les sondages montrent qu’une très large majorité des Français est en faveur de la laïcité. Peut-être que tous ne savent pas exactement ce que cela signifie, mais ils y aspirent. Il faut bien expliquer et on ne le fait pas toujours bien. Je pense que tout cela est inscrit dans les gènes de la construction de la nation française moderne. Je pense à cet événement qui date de 250 ans : la condamnation pour blasphème du chevalier de Barre (lire ci-contre). Un des premiers actes de la Révolution a été de supprimer le délit de blasphème, en 1791. C’est profondément ancré dans la France moderne. Si les Français ont tellement réagi au moment des attentats contre Charlie Hebdo, c’est bien parce qu’ils sont attachés à la liberté de conscience et à la liberté de critiquer les religions et les dogmes. Malheureusement, dans nos sociétés contemporaines, ce n’est pas partagé par tout le monde.