François Ruffin : "Bougeons-nous le Rain". © Ph. A
Les usagers et le TER

Le torchon brûle entre les élus de gauche et le président de Région

par Philippe Allienne
Publié le 21 novembre 2022 à 12:50

La situation du TER était à l’ordre du jour de la séance du Conseil régional des Hauts- de-France ce jeudi 17 novembre. L’exécutif apprécie de moins en moins l’opposition des élus de gauche (les forces de la Nupes) à l’ouverture à la concurrence des TER. Ces dernières se sont d’ailleurs retrouvées face à la presse la veille, afin de préciser leur position.

« Que la région nous rende nos trains !  » Ainsi a été lancée, ce mercredi 16 novembre à Lille, au siège de Région, la conférence de presse des représentants de la Nupes. « Le réseau français était très efficace, aujourd’hui, on va à contre-sens des exigences climatiques  »,assure Alexandre Ouizille, conseiller régional et président du groupe de la fédération de l’Oise du Parti socialiste. Derrière lui, tous les participants vont renchérir sur la situation catastrophique du service public ferroviaire et sur l’humiliation que subissent les usagers de la région. «  Humiliation »,c’est le terme choisi par le député LFI de la Somme François Ruffin. «  L’humiliation, dit-il, c’est quand on commence sa journée dans le froid et l’obscurité, que le TER est en retard, qu’il n’y a pas de place pour s’asseoir » (même s’il y a eu des progrès en ce domaine, convient-il).

L’élu égrène les témoignages. « Presque tous les soirs je rentre tard, dit un de ces usagers du train, il y a ma belle-fille qui m’attend et je dois toujours lui parler de problèmes de train. J’ai loupé quelque chose dans l’éducation, car à force de m’entendre râler contre la SNCF, ma belle-fille ne prendra jamais le train ». Pour Nathalie, aussi : «  J’ai fait le choix d’accéder à la propriété à Amiens, mais j’en suis à me poser la question de déménager. Quand j’arrive presque tous les jours en retard au travail à Paris, je passe pour une rigolote. » Alors, commente François Ruffin, « pour que le ressentiment ne s’installe pas durablement dans le cœur des gens, bougeons-nous le train ! D’après Le Monde du 17 octobre 2022, ‘’ plus de neuf habitants sur dix habitent à moins de 10 kilomètres d’une gare.’’ Nous pourrions être la Région locomotive du train en France. Nous en sommes au contraire le dernier wagon. »L’un des problèmes essentiels, précise-t-il, c’est que depuis le début de l’année, plus de 11000 TER ont été supprimés, soit plus de 134% par, rapport à il y a trois ans. Qui plus est, sur les cinq dernières années, on a supprimé des postes trois fois plus vite que sous la présidence de François Hollande. « Et on nous dit qu’il manque des conducteurs ! » Pour le député, « la responsabilité politique est d’abord à rechercher au niveau national. » Cela a commencé sous le gouvernement Jospin, avec une certaine Elisabeth Borne.

Enjeu de reconquête

Karima Delli, le TER doit être une cause nationale.
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Et puis, il y a la responsabilité régionale. Si en effet, neuf habitants sur dix habitent à moins de 10 kilomètres d’une gare, en principe, cela devrait favoriser l’utilisation du train et l’État devrait considérer que le rail est un outil majeur pour affronter le défi climatique. Pour l’élue Verte Karima Delli, « il faut que la région comprenne qu’elle doit investir massivement et il faut de la transparence. Il y a plein de poches de notre territoire où les gens veulent prendre le train. Mail il n’y a pas de dessertes ».De son côté, le conseiller régional LFI, Julien Poix, déplore la fermeture des gares-guichets. Quant aux conducteurs qui manquent, on annonce 65 recrutements sans autre précision alors qu’il en faudrait une centaine. Problème : la formation d’un conducteur prend un an.Pour la conseillère communiste Héloïse d’Halluin, «  il n’y a jamais eu autant de démissions au sein de la SNCF. Celle-ci ne parvient plus à recruter parce que les métiers ne sont plus attractifs. » Jean-Marc Tellier, député communiste du Pas-de-Calais, estime qu’«  il faut une volonté politique pour développer le rail. Or, l’État a plutôt fait le choix de l’avion contre le train. » Jean-Marc Tellier voit là un véritable enjeu de reconquête. Sans oublier de mettre en place « un vrai plan de formation pour les chauffeurs avec une rémunération juste. C’est dans l’intérêt des usagers. » Peux-ton pour cela compter sur le plan de relance ? Pas vraiment, répond l’élu du Pas-de-Calais. « Une très forte part de ce plan a été ciblé sur d’autres points d’intérêt.  » Karima Delli renchérit : « Le TER doit être une cause nationale. Le rail doit s’imposer comme outil majeur, un levier d’action dans la transition écologique. » Comme ses collègues, elle regrette les dégâts de la politique du « tout TGV » sur les « petites lignes » que l’on devrait plutôt appeler « le train du quotidien  ».

Union pour le TER

Jean- Marc Tellier voit un véritable enjeu de reconquête.
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Pour sa part, Héloise Dhalluin, cheminote de profession, n’a de cesse de défendre le rail et le TER au sein du conseil régional. Ce n’est pas simple du tout. Ce jeudi encore, le président Xavier Bertrand lui a coupé le micro pour, officiellement, dépassement du temps de parole. Mais il en a profité pour se montrer manaçant à l’égard de l’élue de l’opposition alors qu’elle voulait développer les arguments entendus la veille. « C’est appréciable pour une élue de bien connaître ses dossiers. lui a-t-il dit en substance. Mais faites attention à ne pas tomber dans un conflit d’intérêt ». Le culot, et l’assurance de Xavier Bertrand sont sans limite. C’est que son opposante s’attaque à la mise en concurrence du TER sur laquelle s’entête l’exécutif régional. Et ce dernier ne trouve rien de mieux que de considérer la SNCF comme son ennemi en le privant de paiement pour les retards répétés.Or, tonne Héloïse Dhalluin, « la façon même dont la région HDF organise la libéralisation du rail est scandaleuse ! Toutes les délibérations, tous les débats, tous les votes la concernant se font en commission permanente, non-publique, non-diffusée  ». À la veille de la séance du Conseil régional, les élus de gauche ont tenu à montrer leur union pour déclarer leur amour au TER. Mais en face d’eux, ils ont affaire à un bloc libéral bien décidé à ne pas les écouter.