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Éric Paul

Les artistes devraient retrouver les syndicats

par Philippe Allienne
Publié le 23 mars 2021 à 17:12 Mise à jour le 23 avril 2021

Le comédien nordiste, qui vient de tourner dans la série Germinal que réalise David Hourrègue pour France Télévisions s’agace, comme nombre de Françaises et Français du cafouillage gouvernemental dans la gestion de la crise sanitaire et des annonces qu’il faut attendre chaque jeudi soir. « Le contexte est extrêmement difficile sur le plan général. Dans le secteur de la culture, c’est une catastrophe totale pour les spectacles vivants, la musique, les arts du cirque, les conteurs, etc. » Cette situation amène à précariser durement les artistes. « Le secteur culturel, ce n’est pas que du bien-être que nous construisons, c’est aussi des milliers d’emploi. Il faut donc vite trouver des solutions. »

Le secteur souffre de longue date

Éric Paul, qui travaille surtout pour le cinéma ou les séries télévisées, a pu continuer son activité. Cela lui permet de dire que sur les lieux de tournage, la réalité dément les propos du gouvernement : « Il existe une logistique de protection efficace. Sur Germinal, malgré des cas de Covid, nous avons pu tourner pendant quatre mois. Les gens font très attention, ils respectent les gestes barrière, il y a des dépistages réguliers… » Mais si le Germinal de David Hourrègue est une série télévisée et pourra donc être vue, ce ne sera pas le cas pour les films de l’industrie cinématographique tant que les salles demeurent fermées. Comme bien d’autres artistes, Éric Paul est convaincu que la crise sanitaire, doublée d’une crise économique, n’explique pas tout. Le secteur culturel souffrait bien avant la pandémie. « On peut toujours critiquer, mais la gauche voulait mettre la culture au centre de la vie. Depuis 15, voire 20 ans, cela s’est amenuisé. Cela manque d’épaisseur et on peut se questionner sur la vision de la culture. » Pour l’acteur, l’État s’est retiré au profit de la marchandisation. De l’argent, il y en a mais pour les grosses structures. Les petites compagnies sont en grande difficulté d’autant que les subventions publiques sont à la baisse. Autres structures en danger : les associations culturelles. « Peut-être faudrait-il créer un secrétariat d’État pour les accompagner », glisse-t-il. Surtout, regrette-t-il, les artistes - plus souvent dans les coordinations - sont peu syndicalisés. Or, étant donné le contexte, il faut un rapport de force tout en faisant des propositions. « Nous évoluons dans un système très concurrentiel qui gêne la défense du collectif », dit en substance l’acteur. La précarité amène aussi de nombreux comédiens à accepter des emplois à des conditions très défavorables.

Quand Belmondo dirigeait le SFA-CGT

« Aujourd’hui, ce que l’on appelait un “petit rôle”, c’est-à-dire une personne qui n’aura qu’un mot à prononcer, est devenu une “silhouette parlante”. Le “petit rôle’’ doit dire plusieurs phrases. Sa rémunération est de 300 euros. Au bout du compte, de nombreux comédiens précaires acceptent de devenir des décors vivants. » Dans un autre ordre d’idée, beaucoup de figurants sont en fait des comédiens au chômage. Ils sont rémunérés 80 euros pour une journée. Cela renforce cruellement les écarts de salaire entre les comédiens. Face à un syndicalisme en perte de vitesse, la défense de leurs intérêts est d’autant plus difficile. On est loin, aujourd’hui, de la splendeur du SFA-CGT (Syndicat français des artistes) à la tête duquel il y eut des figures comme Jean-Paul Belmondo ou Jean Marais.