Créées dès la fin XIXe siècle et progressivement démocratisées jusqu’à atteindre leur apogée durant des Trente glorieuses, les colonies de vacances sont aujourd’hui en perte de vitesse : alors que 66% des 65 ans et plus déclarent être partis au moins une fois en colonie de vacances durant leur enfance (dont 18% chaque année), le taux tombe à 53% pour les 18-34 ans (dont 8% chaque année).
De même, alors qu’on estime que 4 millions d’enfants partaient en colonies de vacances chaque année au début des années 1960, ils sont aujourd’hui autour de 1,5 million (900 000 en colonies et 600 000 en « mini-camps » ou séjours collectifs) comme le rappelle une note de l’Observatoire des vacances et des loisirs des enfants et des jeunes (OVLEJ). Si on se réfère à la dernière décennie, la chute semble inexorable : année après année, la part des « séjours de vacances » qui correspondent aux colonies classiques décroît et les « séjours courts » ou « spécifiques » qui correspondent aux « mini-camps » plus haut de gamme ne compensent pas cette perte de vitesse.
Parmi les raisons invoquées par les parents n’envoyant pas leurs enfants dans ces types de structure, le refus des enfants est cité en premier (30%), suivi du coût des colonies (23%) et de la crainte de voir ses enfants exposés à de « mauvaises fréquentations ou des agressions » (13%). On note que l’opposition des enfants est citée bien davantage par les CSP+ (55%) que les ouvriers (16%) et, inversement, les raisons financières préoccupent avant tout les ouvriers (51%) et très peu les cadres (3%). Davantage qu’un rejet du brassage social associé aux colonies de vacances, il semble ainsi que les mécanismes d’adaptation aux désirs de l’enfant et que les contraintes budgétaires soient les premiers facteurs de la chute de fréquentation des colonies. Une analyse corroborée par les résultats d’un sondage réalisé auprès de parents en avril 2019 par l’Ifop pour La Jeunesse au plein air, qui faisait apparaître le « coût » (27%) et le fait d’être « disponible pour passer les vacances avec son enfant et de ne pas voir dès lors l’intérêt qu’il aille dans un centre d’accueil collectif » (26%) comme les deux principales raisons de renoncement aux colonies de vacances.
Enfin, au ralentissement de la fréquentation des colonies s’ajoute, comme pour les secteurs du camping et du tourisme social, une montée en gamme des structures d’accueil, privilégiées par les catégories sociales supérieures. Ainsi, 37% des parents d’enfants scolarisés envoient leurs progénitures dans des « mini-camps » ou « stages découvertes ou thématiques », contre 27% dans des colonies de vacances classiques. Très clairement, les « mini-camps » sont le fait des CSP+ : 47% des cadres y envoient leurs enfants, contre seulement 25% des ouvriers. C’est ainsi l’ensemble des structures qui traditionnellement permettaient aux catégories populaires et du bas de la classe moyenne d’avoir accès aux vacances qui connaissent une même tendance de montée en gamme et de segmentation. Une transformation profonde qui se traduit par des niveaux d’accès aux vacances profondément clivés selon les catégories sociales et qui alimente dès lors un sentiment de déclassement dans de larges pans de la société.
(sources : Fondation Jean Jaurès – juillet 2019)