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Retraites

Les habitants du Nord face à Élisabeth Borne et Gérald Darmanin

« Pourquoi vous ne prenez pas l’argent aux riches ? »

par Nadia DAKI
Publié le 10 février 2023 à 14:04

La Première ministre et le ministre de l’Intérieur sont venus, ce jeudi 9 février, expliquer la réforme des retraites à un panel de salariés de l’entreprise Sarbec, à Neuville-en-Ferrain. Entre inquiétudes personnelles et incompréhension du projet, ils ont tenté de convaincre pendant une heure. Échec.

La présence policière, en très grand nombre, sur le site de Sarbec Cosmetics, fabricant de cosmétiques installé à Neuville-en-Ferrain, ce jeudi dès l’aube, était un indice de la préparation de quelque-chose d’inhabituel. Même les salariés n’étaient pas au courant de la venue d’Élisabeth Borne et de Gérald Darmanin. « On nous a envoyé un mail en nous demandant si on voulait faire partie d’un panel pour échanger sur la question des retraites, souffle un employé qui souhaite rester anonyme. On savait juste que ce serait quelqu’un d’important. » Avec une trentaine de ses collègues, il a pu échanger à bâtons rompus avec la Première ministre et le ministre de l’Intérieur. En préambule, Élisabeth Borne rappelle que « l’objectif de cette réforme est de pouvoir assurer notre système de retraite par répartition qui arrive à bout de souffle. Les estimations démographiques nous le disent, demain il y aura 1,5 actif pour un retraité alors que dans les années 70, on était à 3 actifs pour un retraité. »

Ne surtout pas taxer les plus riches

Les premières questions ne se font pas attendre. Très vite, des employés demandent le micro. « Vous comblez les retraites en nous demandant de travailler plus mais est-ce que vous avez réglé le problème de fond ? Est-ce que dans dix ans, on n’aura pas le droit à une nouvelle réforme qui va encore reculer l’âge de départ à la retraite à 70 ans par exemple ? », demande Julie. La Première ministre évoque des simulations démographiques, tente de rassurer sur un équilibre qui serait atteint grâce à cette réforme. Les questions personnelles s’enchaînent et démontrent la difficulté à appréhender les conséquences de cette réforme. « J’ai commencé à travailler à 18 ans. À quel âge puis-je partir avec un taux plein ? », « Je ne comprends pas bien ce qu’il faut regarder entre l’année de naissance et l’âge auquel j’ai commencé à travailler » ; « j’ai 59 ans, est-ce que je vais pouvoir prendre ma retraite cette année ? ». Élisabeth Borne répond, telle une technicienne patiente, à chaque cas personnel. Elle dit comprendre les inquiétudes évoquées car « la retraite les concerne chacun individuellement en fonction de leur situation personnelle ». À plusieurs reprises, elle rappelle que ceux ayant commencé à travailler tôt ou exerçant des métiers pénibles vont pouvoir partir avant 64 ans.

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Néanmoins, Corinne, ouvrière en production ne se montre toujours pas convaincue. « Pourquoi vous prenez l’argent à nous ouvriers, pourquoi vous ne le prenez pas aux riches ? », demande-t-elle. Gérald Darmanin se lève pour répondre. « Aujourd’hui, tout le monde peut comprendre qu’il y a un déséquilibre car on vit plus longtemps, jusqu’à 90 ou 95 ans. Donc on paie plus longtemps les retraites et il n’y a pas assez de personnes pour cotiser », assure-t-il. « 30 milliards d’euros du budget de nos impôts compensent ce système de retraites. Cet argent, on le prend déjà dans les poches de ceux, par définition, qui paient le plus d’impôts. Madame la Première ministre pourrait les utiliser à autre chose, baisser les impôts des personnes ou des entreprises ; augmenter le budget de la police, de la justice, de l’éducation nationale. » Et d’anticiper : « Même si on rétablissait l’ISF qu’on a supprimée, cela ne représente que 4 milliards d’euros. Ça ne compense pas les 30 milliards d’euros. » Une taxation du capital ou une augmentation de l’impôt des entreprises ? Là-aussi, le ministre de l’Intérieur est catégorique. « Si on taxe le capital, on va réduire les investissements dans le pays. Il y aura moins de gens qui vont avoir du travail et le chômage va augmenter. Ce n’est pas très intelligent économiquement et on n’aura pas résolu le problème des retraites. » À l’issue de la rencontre, certains restent dubitatifs. « Je ne sais pas si je vais devoir continuer jusqu’à 64 ans ou si je vais pouvoir partir plus tôt », glisse un employé. L’incompréhension demeure malgré l’heure d’échange.

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