Canton d'Aulnoy lez-Valenciennes

Les maires refusent de jouer avec la santé des enfants

Déconfinement

par Philippe Allienne
Publié le 7 mai 2020 à 11:28

« Je ne suis pas parvenue à réunir les conditions sanitaires nécessaires pour assurer la sécurité des élèves. J’ai pris un arrêté et j’ai informé le sous-préfet et l’inspecteur d’académie de ma décision de ne pas ouvrir les écoles pour le 12 mai parce que je ne suis pas en mesure de le faire. » Pour Isabelle Choain, maire de Prouvy, la cause est entendue. Sa commune compte un groupe scolaire primaire et un groupe maternelle, soit 230 enfants. Elle n’est pas la seule élue du canton d’Aulnoy-lez-Valenciennes à se positionner ainsi. Une dizaine de maires sont allés dans le même sens après s’être réunis et avoir échangé sur les conditions de réouverture et sur les risques sanitaires.

Le maire de Trith-Saint-Léger, Norbert Jessus, fait partie de ceux qui ont pris un arrêté contre la réouverture avant le 1er juin. Une lettre a été adressée aux parents d’élèves dans laquelle il rappelle que l’État n’a pas suivi les préconisations du Comité scientifique pour une fermeture des écoles jusqu’au 31 août.

« Comment dire à un enfant de cinq ans de ne pas toucher ses copains ? »

S’agissant du protocole sanitaire publié par le ministère de l’Éducation nationale, il explique inconcevable, considérant le temps imparti,« d’être opérationnels le jour “j” et respecter scrupuleusement les contraintes matérielles et sanitaires ». Pour les maires, il s’avère particulièrement difficile de faire respecter les règles de distanciation par des enfants de grande section ou de CP. « Certes, dit Isabelle Choain, dans les salles de classe, c’est possible parce que les élèves demeurent assis. Mais comment peut-on faire dans les couloirs ou les cours de récréation ? Comment dire à un enfant de cinq ans de ne pas toucher ses copains ? Comment l’empêcher de bousculer, etc. ? Il faut mettre du personnel derrière chacun d’eux ? Je n’ai pas envie de jouer avec la santé des enfants. »

Qu’en serait-il de la responsabilité du personnel Atsem [1] si un enfant était atteint du virus parce que les cuvettes des toilettes auraient été insuffisamment désinfectées ? Les risques sanitaires ne concernent d’ailleurs pas que les enfants. Les enseignants et le personnel communal sont tout aussi exposés.« Que l’économie doive redémarrer doucement, je suis d’accord. Mais cette rentrée est prématurée. » Isabelle Choain a publié son arrêté sur sa page Facebook et l’a affiché sur la porte des écoles. « Je n’ai reçu que des commentaires positifs », affirme-t-elle.Seul un faible pourcentage des familles souhaitait la reprise de l’école. Mais personne n’a protesté devant la décision municipale. L’autre question cruciale qui se pose en cas de réouverture et de cas d’infection éventuels est la responsabilité de l’édile. « Avant que je prenne l’arrêté, le sous-préfet m’a appelée à deux reprises pour me demander de préciser ma position. » C’est que du côté des représentants de l’État, on n’apprécie pas ce qui passe pour une fronde ou, en tout cas, un refus de suivre les orientations du gouvernement. Dans un premier temps, le sous-préfet a prévenu qu’il casserait les arrêtés empêchant la réouverture des écoles. Ensuite, il a essayé de convaincre en demandant aux maires concernés s’ils changeraient d’avis si jamais le territoire passait en zone verte.

La question interpelle et laisse penser qu’il y aurait une volonté de jouer avec la cartographie. Ce mardi soir (5 mai, ndlr), les départements des Hauts-de-France étaient passés en zone orange. Cela ne veut pas dire, comme l’a fort bien exprimé le chef du service des urgences, au CHR de Lille, Patrick Goldstein, que le risque est éteint.

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Jouer avec la cartographie ?

Mais en cas d’infection suite à une réouverture, le maire pourrait-il voir sa responsabilité pénale engagée alors qu’il aurait été obligé d’accepter la reprise sur ordre du représentant de l’État et d’une décision de justice ? C’est en se sens, très certainement, que les décisions ne sont pas cassées. « Pour ma part, dit Isabelle Choain, je ne fuis pas mes responsabilités. Les écoles continuent d’ailleurs d’accueillir les enfants des soignants comme depuis le début du confinement. Et cet accueil s’est élargi aux enfants d’autres professionnels en première ligne comme les ambulanciers, les sapeurs-pompiers, etc. » À Trith-Saint-Léger, Norbert Jessus estime quant à lui que « la responsabilité ne doit plus incomber seulement aux élus, car aujourd’hui nous sommes face à un véritable problème majeur de santé publique. L’État doit jouer pleinement son rôle, il en va de sa responsabilité. La santé de nos enfants n’a pas de prix ! »

Notes :

[1Agent territorial spécialisé des écoles maternelles.