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Assises de la santé mentale et de la psychiatrie

Les psychologues réclament une vraie reconnaissance de leur spécificité

par Justine Frémy
Publié le 1er octobre 2021 à 12:15

Mardi 28 septembre, alors que s’achevaient les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, les psychologues manifestaient partout en France pour réclamer la reconnaissance de leur profession et de ses spécificités. À Lille, ils étaient une centaine, réunis sur la place de la République, à attendre « avec circonspection » les annonces d’Emmanuel Macron.

« Le statut des psychologues est reconnu depuis 1990, mais depuis, rien n’a évolué » déplore Philippe Crépel, responsable de la CGT Santé Nord-Pas-de-Calais. « En début de carrière, un psychologue touche 1,15 fois le Smic, alors qu’il dispose d’un bac + 5, cela n’a pas changé depuis trente ans » poursuit le syndicaliste. « Aujourd’hui, leur salaire est égal à celui des infirmiers, à bac + 3, inférieur de 10 % à celui des kinés, de 13 % des sages-femmes » a ainsi rappelé Gladys Mondière, présidente de la Fédération française des psychologues et de psychologie, lors des Assises. Écartés du Ségur de la santé, les psychologues n’ont d’ailleurs bénéficié d’aucune prime ou revalorisation de leur salaire, alors même que leur présence s’est révélée indispensable depuis le début de la crise sanitaire. Selon la dernière enquête CoviPrev de suivi de l’évolution de la santé mentale des Français, 15 % d’entre eux montraient des signes d’un état dépressif (+ 5 points par rapport au niveau hors épidémie), 23 % des signes d’un état anxieux (+ 10 points) et 10 % avaient des pensées suicidaires (+ 5 points) au début du mois de septembre 2021. Au plus fort de la crise sanitaire, les psychologues ont été mobilisés pour répondre aux appels d’urgence, et aujourd’hui, ils reçoivent en consultation les personnes fragilisées par la crise. « Depuis le début de l’année, on constate un afflux massif de troubles anxio-dépressifs, notamment des salariés qui ont perdu leur emploi, explique Philippe Crépel. Et depuis la rentrée scolaire, de nombreux adolescents qui souffrent de crises d’angoisse. »

Vers une paramédicalisation de la psychologie

D’autant plus qu’à l’hôpital, les psychiatres manquent et l’on demande aux psychologues de pallier à cette pénurie de soignants. « On leur assigne un rôle médical alors que ce n’est pas ce qu’ils recherchent. Ils ont un rôle complémentaire mais le psychologue n’a pas la même approche qu’un psychiatre » poursuit Philippe Crépel. Faire reconnaître la singularité de leur statut et de leur pratique, c’est d’ailleurs la revendication principale des psychologues, avant même d’évoquer leur rémunération. « La psychologie est une discipline issue des sciences humaines, et non de la médecine, or, Emmanuel Macron veut aujourd’hui paramédicaliser la discipline » déplore Amaury Marecaux, psychologue et co-représentant du collectif régional de psychologues à l’origine de la manifestation. « La diversité dans notre profession est une source de richesse. La relation entre le psychologue et son patient va pâtir de la standardisation du parcours de soin. »

En effet, le gouvernement vient d’annoncer la mise en place dès 2022 d’un forfait de plusieurs séances chez un psychologue remboursées par la Sécurité sociale sur prescription médicale d’un généraliste. Le montant de la première consultation est fixé à 40 euros puis à 30 euros pour les suivantes. C’est trop peu selon Amaury Marecaux qui réclame des « tarifs décents ». « Si l’on se base sur la consultation d’un généraliste, on voit que le prix est fixé à 25 euros pour une consultation de 15 à 20 minutes, là où un psychologue, lui, va passer au moins 45 minutes avec son patient. » Par ailleurs, l’accès sur prescription représenterait un « frein » à l’accès aux soins selon le psychologue qui dénonce un « parcours non plus de soin mais d’embûches » pour les patients. « D’abord, tout le monde n’a pas de généraliste, notamment parmi les publics précaires, et quand bien même, il peut être difficile de parler une première fois à son généraliste puis de recommencer ensuite avec le psychologue. »

Des conditions de travail dégradées

Par ailleurs, « on ne peut pas normaliser une consultation de santé mentale, lui fixer une durée ou des outils » selon Philippe Crépel. Or, à l’hôpital, la tendance serait à l’imposition d’un quota de patients à voir par jour. D’où l’abandon progressif du milieu hospitalier par les psychologues. Depuis un an et demi, Amaury Marecaux a vu sept psychologues quitter l’ESPM de Bailleul où il travaille. « Cela pose problème pour la continuité des soins, car il faut déjà plusieurs mois pour faire connaissance avec un patient. Si les psychologues partent au bout de seulement six mois ou un an, tout est à refaire. » Mais la dégradation des conditions de travail, amplifiée par la crise sanitaire, a eu raison de l’engagement de ces professionnels. « Il y a une perte d’élan chez les soignants » constate le psychologue. Si la création de 800 postes dans les centres médico-psychologiques d’ici 2024, annoncée par le président lors de ces Assises, était attendue, elle risque de se révéler bien insuffisante après des années de négligence du parent pauvre de la médecine et de son cousin, la psychologie.