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À Paris

Les retraités ont manifesté contre la baisse de leur niveau de vie

par Grégoire REMUND
Publié le 10 décembre 2021 à 16:38

À l’appel de neuf organisations syndicales, les retraités ont battu le pavé à Paris ce jeudi 2 décembre pour réclamer une augmentation des pensions et de meilleures conditions de vie. Reportage.

« Nous sommes là aujourd’hui pour faire entendre nos difficultés à vivre », clame Marie-Ange, qui a travaillé 43 ans en usine et qui touche actuellement 1 400 euros de retraite tous les mois. Sur la banderole que porte la sexagénaire avec ses camarades, tous originaires des Charentes Maritimes, on peut lire : « Les retraités ne sont pas des nantis, revalorisation des pensions. » « Quand j’ai commencé comme ouvrière, je n’avais pas l’âge de voter mais j’avais le droit de me taire et de me faire exploiter. Maintenant que je suis retraitée, j’ai bien l’intention de ne plus me laisser faire et de réclamer mes droits. » Jeudi 2 décembre, les retraités ont manifesté à Paris pour exiger, entre autres, une augmentation des pensions, et dénoncer la vie chère, la déliquescence des services publics et de la protection sociale. À l’appel de neuf organisations syndicales de retraités, le cortège s’est élancé de la place Denfert- Rochereau en direction de l’esplanade des Invalides. « La question des pensions est dans toutes les bouches des retraités. C’est un grand sujet de préoccupation et les Hauts-de-France n’échappent pas à la règle, bien au contraire, témoigne Jacques Lefèvre, secrétaire général USR (Union syndicale des retraités) – CGT Nord. Nous souhaitons notamment que les pensions de réversion soient revalorisées. Notre région compte de nombreuses veuves qui n’ont jamais travaillé, ont dépendu du salaire de leur mari défunt et qui peinent aujourd’hui à joindre les deux bouts. » Pour le syndicaliste, la liste des difficultés auxquelles sont confrontés les retraités de nos jours est longue. Et de citer pêle-mêle la hausse de l’inflation (en octobre, les prix à la consommation ont augmenté de 2,6 %, + 2,2 % le mois précédent, selon l’Insee), la flambée des prix de l’énergie (gaz, électricité, fioul, carburants) et l’augmentation des prix des denrées alimentaires (blé viande, sucre, produits laitiers, etc.). « Les pensions des retraités vont connaître à partir de janvier prochain une hausse supérieure à celle observée en 2021 (1,1 % contre 0,4 %) mais ce taux de revalorisation (qui concerne toutes les retraites de base, tant pour les salariés du privé que pour les fonctionnaires et les indépendants, ndlr) reste faible eu égard à la hausse de l’inflation donnée à 2,6 %. C’est 1,5 % de pouvoir d’achat en moins chaque mois pour les retraités. »

En finir avec l’idée selon laquelle les retraités sont des privilégiés

Aujourd’hui, plus d’un million de retraités sont considérés comme des personnes pauvres, vivant avec moins de 1 000 euros par mois. La majorité d’entre eux sont des femmes (52 %). Cela s’explique en raison de leurs carrières moins longues que celles des hommes, entrecoupées de période d’inactivité (congé maternité, travail à temps partiel, etc.). Pour obtenir des droits supplémentaires et parce qu’elles n’ont pas suffisamment cotisé tout au long de leur carrière, les femmes sont obligées de travailler plus longtemps que les hommes, d’après Jacques Lefèvre. Autre volonté des manifestants : en finir avec l’idée selon laquelle les retraités sont des privilégiés. Geneviève, bénévole à la Banque Alimentaire constate que les personnes âgées ont garni les files d’attente ces dernières années, « des veuves notamment qui nous sont envoyées par des organismes de solidarité parce qu’elles ont trop honte de venir d’elles-mêmes ». Quelques mètres plus loin, Alain fulmine. « Ces 20 dernières années, j’ai perdu 25 % de retraite. Il faut stopper l’hémorragie. Des moyens existent : les dividendes, la fraude et l’évasion fiscale, l’ISF... Le patronat doit prendre ses responsabilités et rembourser les 52 milliards d’exonération de cotisations sociales de 2021. Chez Macron, en réalité, le ruissellement se fait par le haut. » En tête de cortège, défilent quelques visages bien connus de la lutte syndicale, des leaders, parmi lesquels Marc Bastide, secrétaire général de l’UCR-CGT. « Les négociations que nous réclamons doivent aboutir à des accords indexés sur l’inflation, lance-t-il. La suppression de la taxe d’habitation a été un gain de pouvoir d’achat mais c’est ponctuel. La revalorisation des retraites, c’est pérenne. » Sur la question des retraités, la CGT plaide pour une augmentation des pensions de base et complémentaires, 100 euros immédiatement, 300 euros pour 2022, une Sécurité sociale intégrale, solidaire, universelle et démocratique avec un financement à 100 % par les cotisations sociales et des services publics de proximité continuant d’assurer un accueil physique – d’après le syndicaliste de l’UCR-CGT, 30 % d’entre eux n’ont pas de connexion internet. Mathilde, qui a travaillé dans le milieu des assurances, est venue par solidarité. « J’ai de la chance, je ne fait pas partie des retraités précaires même si je traverse actuellement une situation difficile : je dois payer les études de mes enfants et venir en aide à ma mère qui doit se contenter d’une pension mensuelle de 1 200 euros », glisse- t-elle. Cette prise en étau – enfant d’un côté, parents de l’autre -, concerne un nombre croissant de retraités selon Marc Bastide : « Ceux qui arrivaient avant à s’en sortir se retrouvent désormais avec deux générations encore à charge : leurs enfants qui ne sont pas encore indépendants financièrement et leurs parents âgés dépendants. Cela fait trois générations prises à la gorge. »