Presse engagée

Liberté Hebdo, voix des sans voix

Par Philippe ALLIENNE, rédacteur en chef

par Philippe Allienne
Publié le 28 août 2020 à 12:57

Liberté,c’est un combat qui a commencé il y a 76 ans, lorsque le premier numéro du quotidien communiste sort de l’imprimerie de l’ex-Écho du Nord, le mardi 5 septembre 1944. 50 000 exemplaires pour ce premier numéro qui prend la succession de L’Enchaîné, l’organe du PCF, pour le Nord-Pas-de-Calais, interdit en septembre 1939, mais dont la parution a continué clandestinement pendant la guerre.Comme nous le racontons dans le numéro spécial, « Comme un air de Liberté » paru l’an dernier à l’occasion de nos 75 ans, le chef du Parti communiste clandestin a disposé de deux jours pour monter le journal avec des militants.Comme ils n’imaginaient pas la chose impossible, ils l’ont fait. Après la guerre, Liberté a très vite dû faire face à des milieux économiques inamicaux. Si Le Nord Libre (l’organe du Front national) a disparu au bout d’un an, Liberté, son équipe, ses diffuseurs ont résisté. Les luttes pour la décolonisation, la paix en Algérie, la guerre du Vietnam, 1968, tous les combats sociaux, les ouvriers dockers, ceux du textile, les mineurs, les réalités de la vie ouvrière de la région... Le journal n’a jamais failli. Même s’il a toujours eu à se battre pour sa survie.

Quand la belle aventure s’arrête le 7 juillet 1992, il titre, comme un défi à la décision du tribunal de commerce de Lille : « Ce n’est qu’un au revoir. » Le 6 novembre, quatre mois plus tard, sortait le numéro zéro de Liberté Hebdo. La Fédération du Nord du PCF, comme celle du Pas-de-Calais, avait refusé la fatalité. Pour elles, pour les militants, une presse communiste est nécessaire. Les difficultés ne se sont pas éteintes pour autant et la vie du journal connaît bien les crises. Il en souffre dans sa chair. Mais il continue de tenir bon. Au plus profond des difficultés, en 2014, le tribunal de commerce de Lille Métropole estime qu’il est « porteur d’une utilité sociale ».

Pour tous, responsables éditoriaux comme responsables politiques ou syndicalistes, le constat demeure le même qu’en 1992 : quel média, dans la région, est à même de relayer les grandes luttes sociales, comme les conflits plus modestes ou, simplement, la condition ouvrière et les réalités des plus défavorisés ? Jusqu’en 1992, il relate les dernières grèves des ouvriers dockers de Dunkerque avant de mourir, étrangement, presque en en même temps que leur statut. Les autres journaux se réjouissaient plutôt de la casse d’un statut datant de 1947 (celui des ouvriers du port) qui empêchait d’associer le régime de l’intermittence à la précarité.

28 ans après, Liberté Hebdo demeure la voix des sans voix, celle des sans-emploi, des sans-abri, des sans- papiers, des précaires, des retraités, des travailleurs déplacés, des jeunes, des exilés, des victimes du racisme et des discriminations, des laissés pour compte du libéralisme.Comme l’Humanité, comme La Marseillaise et tous ses confrères progressistes, Liberté Hebdo œuvre aussi au maintien du débat d’idées que les médias dominants réservent aux défenseurs de la pensée libérale et capitaliste. Parce qu’il croit à la réalité de la lutte des classes.