Laïcité

Macron joue avec le feu

par MICHEL CUCHEVAL
Publié le 23 octobre 2020 à 12:02

Après l’horreur, la sidération. Les Français, particulièrement les jeunes, n’acceptent ni l’humiliation ni l’impuissance. La réponse du gouvernement, sous la forme d’une n-ième loi sur la laïcité, est manifestement inappropriée et cache mal des intentions uniquement politiciennes. Cette déviance n’est possible qu’en entretenant une confusion. La loi de 1905, dite « de séparation des églises et de l’État » ne définit pas la laïcité, de sorte qu’on lui donne plusieurs sens. Pour les uns, un laïc est une personne qui n’a embrassé aucun ordre religieux, pour d’autres, c’est un athée, quand ce n’est pas un abominable mécréant. Cette confusion alimente, depuis 1905, de multiples tentatives de remise en cause de cette loi. On se souvient de l’initiative de Valéry Giscard d’Estaing pour une Constitution européenne faisant référence aux « racines chrétiennes » des peuples. La question centrale reste le financement, par l’État, des institutions religieuses : écoles confessionnelles, associations cultuelles ou culturelles, etc. Qui va payer la formation des imams souhaitée par Emmanuel Macron ? Utiliser l’argent public serait une atteinte de plus à la laïcité et ouvrirait une brèche où d’autres ne manqueraient pas de s’engouffrer. Quoi qu’il en soit, la laïcité assure les libertés de conscience et d’expression, le respect des choix philosophiques de chacun, le libre exercice des cultes... sous réserve que les religions s’occupent du spirituel et laissent l’organisation sociale à l’État. Rappelons enfin que la loi de 1905 a été le résultat d’un compromis, longuement discuté, entre la République et l’Église catholique, et n’est donc pas une victoire des « laïcards » contre les croyants. Il est clair que les visées de tous les intégrismes, y compris l’islamisme radical, criminel et politique, s’opposent aux principes qui précèdent et relèvent du droit commun. Les lois existantes suffisent à leur répression dès qu’elle s’impose, sans qu’une loi nouvelle soit nécessaire. C’est si vrai que le ministre Darmanin dit s’en préoccuper (enfin ?) sans attendre. Une fois de plus, l’efficacité sera bien une question de moyens. Macron cherche-t-il à renforcer le communautarisme en stigmatisant la religion musulmane ? S’il le voulait, il n’agirait pas autrement, pour masquer le séparatisme, bien réel celui-là, entre l’opulence des plus riches et la misère croissante qui frappe les quartiers populaires. Gageons que sa démarche est bassement politicienne. Après l’échec de son « ni droite ni gauche », sa réélection en 2022 sera conditionnée par un nouveau second tour Macron-Le Pen. D’où ces échanges de surenchères qui ressemblent davantage à un dialogue qu’à un affrontement. Ce scénario reste réaliste et les dirigeants de partis de gauche qui font aujourd’hui la fine bouche pour construire un véritable rassemblement progressiste prennent une lourde responsabilité.