Saint-Amand-les-Eaux

Monsieur le président, je vous fais une lettre...

Déconfinement

par Franck Jakubek
Publié le 7 mai 2020 à 11:56

Et celle qu’a reçu Emmanuel Macron ne vient pas de n’importe qui. Alain Bocquet, ancien député et président du groupe communiste à l’Assemblée Nationale, maire réélu de Saint-Amand-les-Eaux, n’est pas content. Et quand c’est comme ça, il le dit et il n’y va pas par quatre chemins. Pas d’effets de manche, du concret, sans ambiguïté, « pour la sécurité des enfants, des enseignants, du personnel communal ».

Comment expliquer à la fois qu’il y a un danger de décrochage scolaire et faire rentrer des enfants de quatre ans alors que dans ce cas ce sont les ados qui sont les plus concernés ? S’interroge en substance l’élu amandinois. Sauf si on considère que l’ado est autonome et peut se débrouiller à la maison. Remettre les plus petits à l’école, c’est remettre les parents au travail. La ficelle est un peu grosse pour Alain Bocquet qui s’inquiète aussi de l’incohérence de certaines règles : « Pourquoi indiquer des classes de 15 élèves et limiter les rencontres d’adultes à dix personnes ? » Saint-Amand-les-Eaux, c’est 1 375 élèves dans 163 classes sur 13 écoles dont sept maternelles. Un nombre impressionnant de mètres carrés, 15 000, rien que pour les classes. 27 000 m2 si on ajoute les lieux annexes pour le sport, la culture, l’informatique... Plus les lieux de repas, les espaces de détente, les cours de récré, et les portes, les fenêtres, les objets pédagogiques. Le maire ne s’est pas amusé à tout mesurer mais il a vite évalué la tâche qui incomberait en quelques jours aux employés municipaux, aux entreprises spécialisées, pour tout nettoyer, tout désinfecter. Pas question de rigoler là-dessus. « La règle sanitaire doit être prioritaire. » « C’est une dame, pleine de bon sens qui m’a interpellé là-dessus, raconte Alain Bocquet, elle m’a dit : “Monsieur le maire, l’éducation peut toujours se rattraper, notre santé et notre vie non.” » Ou cette institutrice de maternelle qui lui confie à la fois son amour pour ses élèves et la peur pour elle et ses propres enfants...

« Pas question de transformer nos enfants en cobayes. » Pour le maire, le report à septembre s’impose comme l’a préconisé le Comité scientifique – le même derrière lequel le gouvernement se retranchait quand ça l’arrangeait pour ne pas prendre de décisions. L’objectif est de préparer une rentrée au top niveau, avec 10 à 15 tables maximum par classe s’il est nécessaire de garder les distances. Alain Bocquet va plus loin. Il propose même de réfléchir à de nouveaux locaux, intégrant les questions de circulation sans se croiser, des matériels pédagogiques adaptés. Il craint beaucoup l’amateurisme dans lequel certains maires sont poussés par la pression des préfets et du gouvernement. « Nous avons reçu un document de 63 pages qui ressemble à un plan Ikea. À la fin, il manque toujours un élément pour que ce soit complet. »

Un mauvais kit Ikea

Une école est ouverte dans la ville pour les enfants des soignants, des personnels requis. Une mission déjà difficile, mais accomplie avec le plus grand soin par les enseignants et le personnel communal. Concret, respectueux des règles et des normes, le maire pense à la restauration scolaire, au nettoyage... En cas de problème, c’est le maire qui rend des comptes « pour une décision de l’État, pour une mission d’État comme l’Éducation nationale ».

Alors que pour la moindre ouverture d’établissement, une commission de sécurité doit obligatoirement passer pour accorder l’autorisation, avec le préfet, les pompiers, la police, le maire, « et s’il y a un centimètre de trop ou de moins dans un escalier, la commission peut tout bloquer » rappelle-t-il. Or, ici, « aucune commission ne vient valider les conditions d’hygiène ». Il refuse dans ce cas de rester le petit doigt sur la couture du pantalon comme certains maires. Visionnaire, il préfère avancer et propose déjà la création et l’organisation d’une commission spécifique réunissant tous les intervenants : l’Agence régionale de Santé, l’Éducation nationale, le comité de parents ou le conseil d’école, la Ville et le préfet.

« Et que nous décidions ensemble en signant ensemble après l’examen des écoles, chacun assume et nous partageons les responsabilités de cette manière. » Alain Bocquet pense aussi au personnel nécessaire, à sa formation. Et l’été doit servir à préparer l’école de l’après-Covid. Il envisage de réunir déjà architectes, médecins, entreprises de nettoyage, enseignants... pour y réfléchir, chercher de nouvelles normes. Pas question de se contenter d’un catalogue de mesures quand il faut réfléchir au changement.

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