En 2014, Évelyne Dhéliat et Météo France présentaient une carte projetant des prévisions pour 2050. Cette carte vient d’être remise à jour à partir des données de 2022.
COP 27

Ne baissons pas les bras !

par JEAN-LOUIS BOUZIN
Publié le 11 novembre 2022 à 11:52 Mise à jour le 10 novembre 2022

Au moment où se tient la COP 27, en Égypte, il importe plus que jamais de mobiliser l’opinion publique pour contraindre les pouvoirs publics à agir et à être à la hauteur des enjeux liés au réchauffement climatique.

Que va-t-il ressortir de la 27e conférence mondiale sur le climat réunissant les représentants de 200 pays à Charm-El-Cheikh ? Pas grand chose, prévoient les sceptiques, lassés par ces grands-messes où les déclarations d’intention ne sont suivies d’aucun effet. Un peu à l’image de ce Conseil national de la refondation climat et biodiversité mis en place, le 21 octobre, par Elisabeth Borne, dans lequel les défenseurs de l’environnement eux-mêmes voient une opération avant tout de communication. Faut-il pour autant se résigner à ce que la Cop 27 ressemble aux précédentes ? Surtout pas, ne serait-ce qu’en raison des évènements climatiques graves ayant marqué l’année 2022, et qui ne laissent plus de doute sur le réchauffement de la planète.

Évènements climatiques graves en 2022

Dès le printemps, des températures dépassant 50° ont rendu la vie insupportable en Inde et au Pakistan. La chaleur a gagné ensuite l’hémisphère Nord, ainsi que la Chine au point que le pays a été mis en alerte. La sécheresse a provoqué l’aridification de tout l’Ouest américain. Elle a sévi dans la corne de l’Afrique où elle persiste, menaçant les populations de famine, notamment en Somalie. Fin septembre, une mousson hors-norme a submergé un tiers du Pakistan, laissant 33 millions d’habitants sans maison, sans bétail, sans récolte, sous la menace des épidémies. Cet automne, l’ouragan Ian a frappé violemment Cuba puis la Floride où l’on a déploré une centaine de victimes. Les Philippines viennent encore d’être la proie d’inondations destructrices. La France n’a pas été épargnée : vagues de chaleur, méga-feux, assèchement des sols, baisse des ressources en eau, récoltes moindres engendrant des hausses de prix sur de nombreux produits. Enfin, chacun de nous ne manque pas de s’interroger sur les températures anormalement douces de ces jours derniers.

Avoir le courage de tourner le dos à la logique destructrice du profit

Les pays les plus industrialisés et les plus riches portent la lourde responsabilité de cette situation. Les émissions de gaz à effet de serre proviennent à 80 % des pays du G20. Leurs sociétés transnationales installent les industries les plus polluantes au Sud, exploitant à la fois les travailleurs et les ressources de pays qui n’ont pas les moyens de parer aux conséquences environnementales. L’engagement pris par les pays riches (en 2009, lors de la Cop 15 à Copenhague) d’injecter 100 milliards de dollars par an dans le Fonds vert instauré par l’Onu en faveur des pays les plus vulnérables, n’a pas été tenu. 100 milliards, ce n’est pourtant pas une somme impossible à réunir quand la seule Allemagne décide de consacrer 107 milliards d’euros à la modernisation de son armée. Il est vrai que les bouleversements climatiques aggravent le risque de conflits. Ils accélèrent les phénomènes de migration de populations obligées de fuir, outre les guerres, la montées des eaux et des températures, l’appauvrissement des sols. 70 millions de personnes ont déjà dû se déplacer. On en prévoit 200 millions d’ici 2050. Leur accueil dans des conditions dignes est d’autant plus important que les mouvements migratoires génèrent des peurs irrationnelles que les extrêmes-droites en Europe et dans le monde exploitent à fond, mettant la démocratie en danger.

Des centaines de scientifiques en appellent à la mobilisation du public

Depuis 30 ans que les scientifiques alertent, on hésite à parler encore d’urgence. Et pourtant, c’est peu de dire que le moment est venu de passer résolument aux actes. Si ces derniers tardent, c’est parce qu’ils exigent un changement de cap que les gouvernants n’auront pas le courage d’effectuer tant qu’un rapport de forces ne les y obligera pas. Aussi bénéfiques soient-ils, les changements de comportements individuels ne suffiront pas. La sauvegarde du climat implique la mise en œuvre de décisions en haut lieu, tournant le dos à la logique du profit qui pousse à surexploiter la planète comme les individus. C’est à contre-courant de cette logique destructrice, en fonction des impératifs sociaux et environnementaux étroitement liés (Salaires-Terre, même combat !), que doit être repensée la société, les modes de transport, de production, de consommation, d’alimentation, d’agriculture, de travail. Et, c’est dans ce sens que l’argent doit être réorienté.

Limiter le réchauffement climatique à 1,5° est encore faisable, mais sous réserve de changements radicaux, nous expliquait, il y a un an, le sixième rapport du Giec [1]. Les États n’ont pas bougé pour autant. Pire, la guerre en Ukraine a remis en selle les projets pétroliers et gaziers les plus polluants. L’ONU vient de préciser que la fenêtre d’action pour atteindre cet objectif d’1,5° « était en train de se refermer rapidement  ». Maintenir la fenêtre ouverte suppose la mobilisation de l’opinion publique, sous peine de connaître «  une catastrophe écologique majeure  », comme viennent de la qualifier des centaines de chercheurs et scientifiques français dans un énième appel [2]. C’est d’ailleurs dans cette pression d’en bas que ces chercheurs, loin de désespérer, placent leurs espoirs lorsqu’ils déclarent : «  La mobilisation d’un large public autour des enjeux climatiques contraindrait les pouvoirs publics à agir à la mesure des enjeux. C’est une condition de réussite de la CNUCC [3] et des COP ». Message reçu !

Protection de l’environnement : quel respect des règles par les pays de l’UE ?

Biodiversité, eau, économie circulaire, pollution, climat : le manque de mise en œuvre de politiques environnementales par les États membres de l’Union européenne (UE) ne cesse de se creuser dans certains domaines. Ce manque a pour conséquence une vulnérabilité à la pollution et aux risques qui y sont liés. La Commission européenne a publié, le 8 septembre 2022, le troisième examen de la mise en œuvre de la politique environnementale (EIR). L’EIR est un outil d’information qui soutient l’application de la législation environnementale. Cet examen tire des conclusions et définit des tendances au niveau de l’UE, sur la base de 27 rapports nationaux établis par les États membres. L’EIR dresse un état des lieux dans les principaux domaines de la politique environnementale européenne. Selon une carte interactive des procédures d’infraction environnementale de l’UE mise en ligne par la Commission, plusieurs procédures ont été lancées à l’encontre de la France. Cette dernière arrive en quatrième position parmi les pays qui totalisent le plus de procédures.

Notes :

[1Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

[2L’appel ainsi que la liste des signataires est à retrouver sur franceinfo.fr

[3La convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CNUCC) signée en 1992 invitait à tout faire pour éviter toute "perturbation anthropique dangereuse du système climatique".