Ce 7 septembre sous les voûtes du fort de Bondues, il y a avait la douleur du souvenir et la joie de se retrouver entre amis. Ce haut lieu de la Résistance, où un musée rend désormais hommage aux martyrs passés par les armes, accueillait la cérémonie de remise des insignes de chevalier de la légion d’honneur à Pierre Charret, engagé dans la Résistance dans la Creuse et l’ouest avant de poser ses valises à Wasquehal.
Comme son « infatigable amie » Lili Leignel, rescapée des camps, ou comme ses camarades résistants récemment décédés Michel Defrance et Guy Beziade, Charret rencontre régulièrement collégiens, lycéens et enseignants. Certains, comme Véronique Fauquet, documentaliste au lycée Beaupré, qui l’a accueilli plusieurs fois, ont fait le déplacement.
L’ancien instituteur ne fait pas la leçon ; il transmet.
L’ancien instituteur ne fait pas la leçon ; il transmet. Aux jeunes qui l’interrogent sur ses faits d’armes, Pierre Charret répond d’abord sur le terrain des valeurs. C’est pour cela que Pierre Charret et trois de ses camarades de l’école normale de Guéret se sont engagés dans la Résistance en 1943. Sabotages, transmission d’informations, combat... S’il a « dû prendre les armes », il n’est pas devenu militariste. Sensibilisé aux dangers de l’extrême droite par les récits d’un oncle engagé auprès des républicains espagnols, fidèle au parti communiste, il n’oublie pas ce qui a conduit au fascisme, à la guerre et à l’occupation.
Comment ne pas s’inquiéter aujourd’hui devant la résurgence d’idées semblables ? « Les anciens résistants disparaissent alors que l’on constate le retour de l’idéologie fasciste que nous pensions avoir éradiquée avec la victoire sur le nazisme », souligne Pierre Charret. « Alors que nous avons combattu dans la plus grande fraternité avec tant d’étrangers, dans plusieurs pays d’Europe les néo-nazis sont au gouvernement. L’antisémitisme, les racismes renaissent ». « Vous savez comment ça commence. Si on laisse dire, si on laisse faire, vous savez comment ça finit », résume Sylvie la présidente de l’Association Nationale des Anciens Combattants et Amis de la Résistance (ANACR) du Nord, dont Pierre Charret est un pilier.
« L’Humanité l’emportera ! »
La réunion des mouvements de lutte contre l’occupant avait donné naissance au Conseil national de la Résistance (CNR). Sous l’autorité du général de Gaulle, ces mouvements aux idéologies différentes (républicains, chrétiens, communistes...) avaient bâti un programme « permettant la renaissance de la France », rappelle l’ancien maquisard, « grâce à des mesures audacieuses et des avancées sociales fondées sur l’idée que l’intérêt général doit primer sur les intérêts particuliers » : retraite, sécurité sociale, encadrement de la durée du travail, nationalisations... « Il n’est jamais inutile d’en rappeler l’origine et la portée universelle », avance Fabien Roussel, député et secrétaire du PCF Nord.
D’autant qu’aujourd’hui, appuie Pierre Charret, « les temps ont bien changé : le chômage et la misère reviennent (avec) la remise en cause du programme du CNR. Ce sont maintenant les intérêts particuliers qui sont privilégiés. Les pauvres deviennent plus pauvres et les riches plus riches ». Voilà ce qui motive l’ancien résistant à témoigner.
« Malgré mes inquiétudes, je garde l’espoir, la foi dans mon idéal. »
Car son inquiétude est « grande » quand Pierre Charret voit le président des Etats-Unis ou son homologue français font la course aux armements plutôt que de soutenir la campagne de l’ONU pour l’interdiction des armes atomiques . « Ce "pognon de dingue" serait mieux employé au profit de nos hôpitaux, de l’éducation et du développement de l’économie et de l’emploi », dit-il. « On trouverait là et dans les paradis fiscaux les moyens de porter remède à l’émigration, au changement climatique et à l’amélioration des conditions de vie des populations. Le monde a un urgent besoin de paix »
« Malgré mes inquiétudes, je garde l’espoir, la foi dans mon idéal », conclut Pierre Charret. Et de citer le poème que Louis Aragon écrit en hommage à Federico Garcia Lorca, assassiné par les franquistes en 1936 : « "Un jour pourtant, un jour viendra" où l’Humanité l’emportera ! ».