« Une disposition de régressions sociale appliquée au plus mauvais moment », « une décision qui remet en cause les droits sociaux acquis par les agents territoriaux », « des collectivités sous la pression constante du gouvernement ». Mercredi 19 janvier, les maires communistes de Montreuil (Patrice Bessac), Bobigny (Abdel Sadi), Stains (Azzédine Taïbi) et Noisy-le-Sec (Olivier Sarrabeyrouse), villes situées dans le département de la Seine-Saint-Denis, ont tenu une conférence de presse devant le tribunal administratif de Montreuil pour exprimer leur colère vis-à-vis de l’État. Le 4 janvier dernier, le préfet de Seine-Saint-Denis, Jacques Witkowski, a assigné en référé-suspension les villes citées plus haut, ainsi que Tremblay-en-France, pour non-délibération en conseil municipal de la mise en œuvre du volet temps de travail des agents municipaux dans le cadre de la Loi de transformation de la fonction publique territoriale de 2019. Le texte en question, connu aussi sous le nom de loi Dussopt, impose l’application des 35 heures à tous les fonctionnaires, soit 1 607 heures de travail effectif par an. Et, partant, signe la fin des régimes dérogatoires, comme les journées du maire ou tout autre repos qui pouvait être accordé à la discrétion des exécutifs. Pour les municipalités, la mesure est entrée en vigueur au 1er janvier. Si celles-ci refusent de l’appliquer, elles risquent, selon le préfet, « une astreinte mensuelle d’un montant de 1 000 euros par mois et par agent communal ». Pour la seule Ville de Montreuil, qui compte 2 700 agents équivalents temps plein (lesquels travaillent en moyenne 1 552 heures par an), l’addition à la fin du mois pourrait atteindre deux millions d’euros... « C’est une situation intenable, l’astreinte qui nous est demandée est complètement disproportionnée et vise à nous faire craquer, estime Olivier Sarrabeyrouse, le maire de Noisy-le-Sec. On punit les collectivités alors que depuis deux ans les agents de la fonction publique territoriale ont répondu aux carences de l’État dans la gestion de la crise sanitaire. » Et d’ajouter : « Pour nous mettre en conformité avec la loi, nous demandons un délai de six mois supplémentaires, le temps de trouver un accord avec les organisations syndicales et l’ensemble des agents. »
Double peine
Patrice Bessac, son homologue de Montreuil, pointe le trop grand déséquilibre « entre les indemnités [dont les municipalités doivent s’acquitter auprès de la préfecture] et le préjudice subi. Nous infliger ça en pleine crise sanitaire, alors même que nos agents se mobilisent pour maintenir les écoles ouvertes et assurer la continuité du service public, c’est terrible. D’autant plus que ces quinze dernières années, les agents les plus modestes ont vu leurs salaires bloqués et leurs droits sociaux remis en cause. » Pour l’édile, face à une telle situation, les collectivités territoriales doivent revendiquer leur droit à la libre administration, un principe inscrit dans la Constitution. Azzédine Taïbi, maire de Stains (qui compte 1 000 fonctionnaires municipaux œuvrant 1 565 heures par an), abonde dans le même sens, qui dénonce « une loi de régression sociale ». Après plus d’une année où le moral a été mis à rude épreuve, le passage aux 1 607 heures est aussi perçu par certains comme une double peine. D’après le sondage BVA-Casden réalisé en juin dernier, 66 % des fonctionnaires étaient déjà pessimistes quant à l’évolution de leurs conditions de travail et 74 % vis-à-vis de l’évolution du fonctionnement de la fonction publique. L’application des 35 heures dans les collectivités territoriales a entraîné plusieurs mouvements sociaux en France, notamment une grève des éboueurs en décembre à Marseille et en janvier à Toulouse.