DR
Le point de vue de Bruno Drweski

Quelle évolution du rapport de force en Ukraine ?

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 2 décembre 2022 à 15:45

Historien, politologue, professeur à l’Institut des langues et civilisations orientales (INALCO), Bruno Drweski revient sur la faiblesse du mouvement pacifiste dans l’Hexagone et analyse les chances d’une cessation des hostilités en Ukraine.

Ils étaient une petite centaine, ce samedi 26 novembre, à battre le pavé du côté de la Porte de Paris à Lille. La manifestation n’avait donc pas ce caractère de masse que la situation en Ukraine notamment exigeait sans doute. « À Paris, le 11 novembre dernier, le succès n’a guère été davantage au rendez-vous », souligne Bruno Drweski. Celui-ci estime que « le sujet est clivant, la question des responsabilités du conflit en Ukraine divise tant à la CGT qu’au sein du Mouvement de la Paix ou de l’ARAC où je milite ».Sans compter la position du NPA qui « considère qu’il faut armer l’Ukraine alors que 14 partis d’opposition y ont été interdits et que les communistes y sont en prison ». Pour cet universitaire « la faiblesse du mouvement pacifiste en France tranche avec la mobilisation effective dans d’autres pays de l’Union européenne comme en République tchèque où une manifestation a réuni à Prague 100 000 personnes opposées aux sanctions contre la Russie, à l’aide militaire à l’Ukraine, et favorables à la sortie de l’OTAN. En Italie, les blocages de l’aéroport de Pise ou du port de Gênes visaient à empêcher la livraison d’armes à l’Ukraine. En Grèce, des trains sont bloqués avec le même objectif  ».Et Bruno Drweski de faire remarquer qu’ « en Allemagne, c’est dans l’est du pays que se déroule le gros des manifestations antiguerres  ». Une culture pacifiste sans doute héritée de l’époque socialiste.

Le rôle des États-Unis

En Ukraine, se dirige-t-on vers une « guerre longue » ? Bruno Drweski l’ignore : « Tout dépendra de la capacité de l’économie ukrainienne à passer ou non l’hiver. Ils sont mal partis du fait des bombardements des transformateurs électriques. Les villes sont privées non seulement d’électricité, de lumière, de chauffage ou d’eau, mais aussi de l’accès à l’Internet... La capacité de fonctionnement des services de l’État, des entreprises, en est altérée. Les Russes jouent là-dessus.  » Et ce spécialiste des pays de l’Est de faire remarquer que « la Russie pourrait jeter dans la bataille les 300 000 hommes qu’ils ont mobilisés quand l’hiver sera là et quand le sol aura durci ». Tout dépendra aussi de l’attitude des États-Unis. « Sont-ils prêts à porter, par Européens interposés (car, au final, c’est nous qui payons), l’Ukraine à bout de bras ? Les Américains manifestaient dernièrement une tendance à vouloir négocier, car d’ici trois ou quatre mois, le rapport de forces sur le terrain aura peut-être changé », indique-t-il.