En ayant recours au 49.3 Macron et le gouvernement font fi du travail de la représentation nationale et bafouent la démocratie. Crédit photo : DR

Retour sur un mercredi noir …

par ANDRE CICCODICOLA
Publié le 30 octobre 2022 à 20:33

Le 19 octobre restera comme un mercredi noir pour la grande majorité de nos compatriotes. Ce jour-là, sur injonction présidentielle, le gouvernement a décidé d’actionner le 49.3, un outil juridique antidémocratique qui lui permet d’imposer ses choix en rayant d’un trait de plume les décisions ou les amendements adoptés à la majorité des voix par les députés lors des débats parlementaires.

Cet empressement du pouvoir à recourir à ce stratagème, dont il abusera les jours suivants, concernait un enjeu de taille : le budget de la Nation, son abondement à travers l’impôt et les choix concernant sa répartition.

Avec le 49.3, exit la prise en charge par l’État du « reste à charge en EHPAD » assumé par les familles. Le nouveau dispositif promu et voté par les députés devait permettre de réduire d’environ 200 € par mois les frais pour un proche en EHPAD. Ce soulagement financier, les Français n’y auront pas droit : le gouvernement a estimé la mesure « trop coûteuse ». Or ce surcoût de quelques centaines de millions d’euros aurait très bien pu être couvert par une autre mesure initiée par les députés : la création d’une taxe exceptionnelle de 25 % sur les super-profits réalisés notamment par les compagnies pétrolières, dont TotalEnergie. À elle seule, cette compagnie pétrolière a engrangé un bénéfice net de 14 milliards d’euros. Et, nous le verrons, elle n’est pas la seule à faire des bénéfices mirifiques.

Le « reste à charge en Ehpad » et de nombreux besoins sociaux auraient aussi pu être financés en rétablissant l’exit tax frappant les fuyards fiscaux ou en établissant une surtaxation des dividendes versés aux actionnaires quand ceux-ci sont supérieurs de 20 % à la moyenne des revenus distribués entre 2017 et 2021, comme le proposaient nos députés. Disposition parlementaire rejetée par le 49.3.

« Une augmentation de la taxation des dividendes ne passera pas par moi », avait prévenu le ministre des Finances Bruno Le Maire, en résonance avec l’Élysée. Pourtant, selon le quotidien Les Échos, les seuls géants du CAC 40 ont dégagé des profits records : près de 160 milliards d’euros en 2021 ( 2022 devrait être aussi florissante). Et ils ont reversé 69,4 milliards d’euros à leurs actionnaires sous forme de dividendes.

Ces bénéfices des 40 plus grandes entreprises françaises équivalent à trois fois le budget de l’Éducation nationale ! Comme un ultime pied de nez destiné à celles et ceux qui, sur les bancs de l’Assemblée nationale ou dans la rue, réclament que les richesses soient équitablement réparties, le gouvernement a décidé d’abaisser à 25 % les impositions des sociétés (il était de 50 % en 1985).

Si les actionnaires voient la vie en rose, pour la majorité elle devient un peu plus sombre. Les prix alimentaires devraient croître de 8,2 %, engendrant une hausse moyenne de 224 € par personne des dépenses annuelles liées à celle-ci. Pour Edouard Leclerc du groupe éponyme qui voit ses marges fondre comme neige au soleil «  La moitié des hausses demandées ne sont pas transparentes, elles sont suspectes  ». Les industriels de l’agro alimentaire profiteraient de la hausse de certains coûts de production pour gonfler leurs marges. Sous le faux prétexte de la guerre en Ukraine, les spéculateurs agissent tous azimuts. Autre exemple : le cours du prix du gaz sur le marché international est redescendu sous son niveau d’avant la guerre en Ukraine. Alors pourquoi est-il si cher pour les consommateurs ?

La solution serait que le gouvernement agisse en bloquant les prix des produits de première nécessité alimentaire ou énergétique. Il s’y refuse laissant au marché c’est-à-dire aux propriétaires des grands moyens de production et d’échange le soin de faire la loi. Il se contente de limiter la casse sociale en utilisant l’argent public, le votre, le notre, pour compenser par des aides éphémères certaines hausses comme celle de l’énergie. Il laisse les citoyens seuls face au chaos de l’inflation et aux spéculateurs tout en continuant à privilégier les riches et en promettant toujours et encore un ruissellement qui n’existe pas.