« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme (...). » C’est ce qu’énonçait déjà la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ! Depuis, cette liberté, fondement de la démocratie, a sans cesse été réaffirmée, que ce soit par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ou par la Convention européenne de 1950. « Tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement. » Mais... « qu’est- ce qu’un droit abstrait sans les moyens de l’exercer ? » interroge le Grand Larousse. Que devient le droit réel d’informer et d’être informé face au mur de l’argent ? Que deviennent les débats pluralistes qu’une information honnête implique quand les médias se retrouvent concentrés dans quelques mains, celles d’industriels et de financiers ravalant l’information au rang de « produit » et les citoyens à celui de « consommateurs-spectateurs » ? Chacun se souvient de la formule du PDG de TF1 Patrick Le Lay en 2004 : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau disponible. » En avril 2018, devant le congrès américain, Mark Zuckerberg, le créateur de Facebook, ne disait pas autre chose : « Monsieur le Sénateur, nous vendons de la publicité. »Notre cerveau les intéresse. Les marchands et les « politiques » qui les servent préfèrent le « consensus mou de la pensée unique » à l’esprit critique qui pourrait nuire à la bonne marche des affaires.
S’approprier les contenants pour mieux contrôler les contenus et maîtriser l’opinion, c’est ce que voulait dire Xavier Niel, patron de Free, du Monde, de l’Obs, etc., l’une des fusées porteuses du candidat Macron, quand il lâcha : « Quand les journalistes m’emmerdent, je prends une participation dans leur canard et ensuite ils me foutent la paix ! » Quand, en France, 89,9 % des quotidiens, 55,3 % des parts d’audience télé, 40,4 % des parts radio appartiennent à dix milliardaires,pas un de plus,venus du BTP,de l’armement, du luxe ou de la téléphonie, qui peut croire que le contenu de l’information n’est pas sous leur influence ? « Utilisé abusivement, le pouvoir des médias peut nuire au pluralisme et à la démocratie » reconnaissait le Conseil de l’Europe en septembre 2011. Ce n’est pas pour rien si la chasse aux « lanceurs d’alerte » est ouverte, si les conflits se multiplient entre directions et journalistes considérant ne plus pouvoir exercer leur métier correctement. Pas pour rien non plus que 1 % des Français fait « tout à fait confiance » aux médias, comme le révélait encore le « Baromètre 2019 » Kantar- Sofres pour le journal La Croix. Oui, vous lisez bien : 1 % seulement !
Aussi, quand des journaux hors-système, refusant le conformisme ambiant comme l’Humanité, La Marseillaise ou bien encore Liberté Hebdo se battent bec et ongles pour survivre, leur combat ne relève pas de l’esprit de boutique, mais d’une lutte plus large visant à ce que les citoyens se réapproprient cette liberté fondamentale qu’est le droit à une information pluraliste. Un jour, la Fédération nationale de la presse française publia une déclaration où il était dit : « La presse n’est pas un instrument de profit commercial. C’est un instrument de culture ; sa mission est de donner des informations exactes, de défendre des idées, de servir la cause du progrès humain. » C’était en novembre 1945. Le temps a passé, mais pas l’idée.