Maçon de formation, Maurice Canlers dé-bute sa carrière à la fosse 5 de Divion en jan-vier 1959. « Ma femme attendait un enfant. Il fallait assurer notre sécurité matérielle. J’ai sou-vent travaillé la nuit. C’était moins poussiéreux. C’était peut-être aussi une façon de me préserver de la silicose », souligne cet homme de 82 ans désormais carté au PCF. Il se lance dans cette aventure à risque « sans appréhen-sion particulière. Au début, je ne pensais pas à la dangerosité du métier, même si mon frère aîné, mineur lui aussi, avait tenté de me dis-suader de l’exercer. On entendait parler des ac-cidents, mais j’ai eu la chance d’être épargné ». « C’était sacré ! » La Sainte-Barbe ? Il s’en souvient comme si c’était hier : « La journée était chômée et payée à condition toutefois de travailler davantage la veille et le lendemain. Cette fête, c’était sacré ! Le 3, nous descendions au fond avec un briquet (casse-croûte) amélioré. On s’asseyait au-tour d’une petite bouteille de vin bien que l’alcool fût interdit, mais les porions (contre-maîtres) fermaient les yeux. » Il arrivait que ce jour-là, la statue de la sainte soit descen-due dans le but de veiller sur une corpora-tion finalement peu rancunière si l’on prend en considération les centaines de morts ou de blessés provoqués par des conditions de sécu-rité défaillantes, les coups de grisou ou la silicose. « Je ne me souviens pas de la présence à la fosse 5 d’une statue de la sainte, mais au 6 d’Haillicourt, si il y en avait une au fond », indique-t-il. Cette sculpture est désormais au musée de la mine de Bruay-La-Buissière dont il est l’un des guides. Et Maurice de poursuivre : « A la remonte, on allait boire un coup tous en-semble dans un café. Pour ma part, j’évitais les excès. Il arrivait que d’autres fassent la « tournée des chapelles » avant de regagner leur domicile un peu... fatigués ». Le jour de la Sainte-Barbe, « à la maison, on avait droit à un repas de fête à midi. Nous invitions la famille ou des amis. Mes proches m’of-fraient des cadeaux. Nous recevions des cartes postales de parents. Moi-même, j’en envoyais à mes beaux-frères ». Aujourd’hui encore, Maurice Canlers se rend régulièrement aux « repas de Sainte-Barbe » organi-sés par des associations cultivant la nostalgie de ce passé minier.
Maurice Canlers se dit attaché aux traditions. DR
Souvenir d’un mineur de fond
par JACQUES KMIECIAK
Publié le 29 novembre 2022 à 10:31
Maurice Canlers a exercé durant trente ans pour les Houillères, comme mineur de fond et aussi comme délégué CGT à l’hygiène et à la sécurité.