Maurice Canlers se dit attaché aux traditions. DR

Souvenir d’un mineur de fond

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 29 novembre 2022 à 10:31

Maurice Canlers a exercé durant trente ans pour les Houillères, comme mineur de fond et aussi comme délégué CGT à l’hygiène et à la sécurité.

Maçon de formation, Maurice Canlers dé-bute sa carrière à la fosse 5 de Divion en jan-vier 1959. « Ma femme attendait un enfant. Il fallait assurer notre sécurité matérielle. J’ai sou-vent travaillé la nuit. C’était moins poussiéreux. C’était peut-être aussi une façon de me préserver de la silicose », souligne cet homme de 82 ans désormais carté au PCF. Il se lance dans cette aventure à risque « sans appréhen-sion particulière. Au début, je ne pensais pas à la dangerosité du métier, même si mon frère aîné, mineur lui aussi, avait tenté de me dis-suader de l’exercer. On entendait parler des ac-cidents, mais j’ai eu la chance d’être épargné ». « C’était sacré ! » La Sainte-Barbe ? Il s’en souvient comme si c’était hier : « La journée était chômée et payée à condition toutefois de travailler davantage la veille et le lendemain. Cette fête, c’était sacré ! Le 3, nous descendions au fond avec un briquet (casse-croûte) amélioré. On s’asseyait au-tour d’une petite bouteille de vin bien que l’alcool fût interdit, mais les porions (contre-maîtres) fermaient les yeux. » Il arrivait que ce jour-là, la statue de la sainte soit descen-due dans le but de veiller sur une corpora-tion finalement peu rancunière si l’on prend en considération les centaines de morts ou de blessés provoqués par des conditions de sécu-rité défaillantes, les coups de grisou ou la silicose. « Je ne me souviens pas de la présence à la fosse 5 d’une statue de la sainte, mais au 6 d’Haillicourt, si il y en avait une au fond  », indique-t-il. Cette sculpture est désormais au musée de la mine de Bruay-La-Buissière dont il est l’un des guides. Et Maurice de poursuivre : «  A la remonte, on allait boire un coup tous en-semble dans un café. Pour ma part, j’évitais les excès. Il arrivait que d’autres fassent la « tournée des chapelles » avant de regagner leur domicile un peu... fatigués  ». Le jour de la Sainte-Barbe, « à la maison, on avait droit à un repas de fête à midi. Nous invitions la famille ou des amis. Mes proches m’of-fraient des cadeaux. Nous recevions des cartes postales de parents. Moi-même, j’en envoyais à mes beaux-frères ». Aujourd’hui encore, Maurice Canlers se rend régulièrement aux «  repas de Sainte-Barbe » organi-sés par des associations cultivant la nostalgie de ce passé minier.