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Ukraine : La longue marche vers la volonté de paix

par Jacques Kmieciak
Publié le 11 avril 2023 à 11:53 Mise à jour le 21 avril 2023

Secrétaire national du Mouvement de la paix, Roland Nivet était de passage à Lille, ce mardi, à l’invitation du Comité de la paix de Villeneuve d’Ascq. Nous l’avons interrogé, en marge de sa conférence, sur les difficultés à mobiliser autour de l’exigence d’une « issue à la guerre » en Ukraine.

Roland Nivet en est persuadé, « la paix ne se gagnera pas par l’augmentation inconsidérée des dépenses d’armement ». Se référant à la Charte des Nations unies, il estime que si « la Russie a bien agressé l’Ukraine en février 2022 », il demeure toujours du devoir de la communauté internationale « de trouver une issue politique et négociée ». L’ONU le fera d’autant plus aisément qu’elle sera « sous la pression des populations ». Or, si les deux guerres menées par l’Occident en Irak (1990 et 2003) avaient jeté des milliers de gens dans la rue, l’opinion ne s’est guère encore manifestée de façon massive pour la paix en Ukraine.

L’effet de sidération

Pour l’expliquer, Roland Nivet met d’emblée en avant un effet de sidération : « Les gens ne s’attendaient pas à une intervention russe. Il a fallu un temps de réaction. » Un an après, la situation a-t-elle pourtant évolué de façon significative ? « Franchement non », s’émeut-il. Et de dresser un constat terrible : « En février dernier, pour le 1er anniversaire de l’intervention, le Mouvement de la paix a participé à une soixantaine de rassemblements dans toute la France. Ils n’ont attiré que 12 000 personnes. C’est peu par rapport aux risques d’extension mondiale d’autant que l’utilisation possible de l’arme nucléaire nous conduit au bord de la catastrophe. » C’est d’autant plus paradoxal que les Français, actifs sur le plan de la solidarité matérielle avec le peuple ukrainien, sont « loin de se montrer indifférents à ce qui se passe en Ukraine, mais ce sont surtout les conséquences sociales et économiques (inflation, etc.) de la guerre qui les préoccupent », plus qu’un engagement autour de l’exigence d’un cessez-le-feu ! Pourtant, il est « illusoire d’imaginer que ce conflit se terminera par la victoire de l’une ou l’autre partie », insiste Roland Nivet.

Le refus de l’économie de guerre

Un autre obstacle à la mobilisation antiguerre résiderait dans la dimension parfois clivante de ce conflit. Au sein d’une même organisation notamment à gauche mais aussi à droite (ndlr) certains « se disent solidaires de Kiev, d’autres estiment que la Russie est agressée par les États-Unis et l’Otan qui ont réarmé le régime ukrainien suite au coup d’État du Maïdan de février 2014. Il est difficile de fédérer dans ces conditions », estiment les militants du Comité de la paix du Bruaysis et du Béthunois (Pas-de-Calais) constitué cet hiver après l’annonce par la France de livraisons de chars AMX à l’Ukraine. Roland Nivet en convient en tentant d’« apaiser les divisions en interne ». Et ce dernier de constater qu’en général « les gens sont souvent ignorants des positions des belligérants ». Une carence que le Comité de la paix du Bruaysis et du Béthunois impute en partie à une « information à sens unique, teintée de russophobie et parfois caricaturale, développée sur nos plateaux de télévision ». Pointant tout autant du doigt la responsabilité de ces médias parfois « liés au lobby militaro-industriel », Roland Nivet estime que la « mésinformation par volonté ou par méconnaissance ne peut qu’attiser la guerre en Ukraine. Ainsi sur notre site, nous tentons de donner une information plurielle en y allant avec doigté car notre objectif est de rassembler ». Soucieux d’élargir le débat au-delà de la question ukrainienne et de « favoriser les initiatives locales », le Mouvement de la paix entame une campagne de sensibilisation pour dire « non à l’économie de guerre » impulsée par Emmanuel Macron à travers sa loi de programmation militaire (2024-2030) de 413 milliards d’euros (soit 40 % d’augmentation).

Le Comité de la paix du Bruaysis et du Béthunois est implanté dans l’ouest du Bassin minier du Pas-de-Calais. Contact : comitepaix.bruaysisbethunois @ gmail.com.

Né lors de la « Guerre froide »

Le Mouvement de la Paix est né en 1948 dans un contexte de reprise des tensions internationales (« Guerre froide ») à l’initiative de courants de la résistance représentatifs de divers courants politiques. L’Appel de Stockholm contre la prolifération nucléaire, est signé par des millions de personnes à travers le monde. A son apogée, dans les années 1950, il aurait compté jusqu’au 50 000 adhérents. On y retrouve des résistants comme Lucie Aubrac et une partie du monde scientifique intellectuel et artistique : Frédéric Joliot-Curie, Simone de Beauvoir, Picasso, Simone Signoret, etc. Il compte 5 000 membres et le « touche 40 000 personnes dont 500 dans le Nord », selon Roland Nivet. Site : https://www.mvtpaix.org. Renseignements au 01 40 12 09 12.